Les eurodéputés hongrois du Fidesz quittent le Parti Populaire européen4 minutes de lecture

L’affaire a fait grand bruit dans la presse européenne. Les douze eurodéputés du Fidesz, le parti du Premier Ministre hongrois Viktor Orban, au pouvoir depuis 2010, ont quitté le Parti Populaire Européen (PPE) auquel ils étaient rattachés. En cause, une réforme des statuts du parti jugée inappropriée.

Aux grands maux les grands remèdes

Rappelons d’abord que les groupes politiques au Parlement européen rassemblent des partis nationaux selon leurs affinités. Il suffit que 23 députés choisissent de se réunir, qu’importe leur nationalité, pour former un groupe. Ainsi, le PPE est une sorte de mosaïque des partis plutôt orientés à droite, le groupe S&D (socio-démocrates plutôt à gauche). Le PPE est actuellement majoritaire au Parlement.

Lire aussi : Causons de Hongrie

Cela faisait quelques années déjà que les députés du Fidesz étaient en quelque sorte le poil à gratter du PPE. En 2019 déjà, ils avaient été suspendus mais participaient toujours aux activités du groupe politique. Cette fois-ci, c’en est fini, suite à une proposition de réforme des statuts du PPE. Initialement, ces statuts prévoyaient déjà l’exclusion ou la suspension d’un membre par l’Assemblée politique, sans que celle-ci n’ait d’ailleurs à se justifier (article 9). La réforme du règlement proposée ces derniers jours propose d’exclure un parti ou un membre du PPE par vote secret en cas de violation des valeurs du parti : démocratie libre et pluraliste, droits de l’Homme, libertés fondamentales, Etat de droit, entre autres.

Le point de rupture a donc été atteint le mercredi 3 mars dernier. Il suffit de comparer les communiqués de presse du PPE et du Fidesz pour comprendre les divergences entre les deux « ex ». Là où le PPE « se félicite du vote à la majorité sur l’adoption des nouvelles règles de procédure », les eurodéputés du Fidesz, s’adressant à Manfred Weber, président du groupe, estiment « inapproprié et politiquement inacceptable que le groupe PPE s’engage dans une manoeuvre administrative précipitée par le biais de règles de suspension douteuses pour empêcher les députés d’exercer leurs droits ».

Les membres du Fidesz devraient sans doute se rattacher à un groupe plus à droite sur l’échiquier politique, c’est-à-dire du côté d’Identité et Démocratie ou des Conservateurs et réformistes européens. Sinon, ils s’ajouteront aux 29 eurodéputés non inscrits.

Au-delà des désaccords politiques, la dérive autoritaire du pouvoir hongrois

L’auto-exclusion des eurodéputés hongrois du PPE s’inscrit dans une dégradation durable des relations entre l’Union et le personnel politique hongrois. Car les images de l’ancien Président de la Commission, Jean-Claude Juncker, appelant Viktor Orban le « dictateur » peuvent faire sourire, la situation hongroise du moment à tout pour alerter. Deux rapports officiels peuvent aider à cerner la situation sur le temps long : le premier émane de la Commission sur l’Etat de droit en Hongrie publié en septembre 2020 et le second a été produit par le Sénat, à la suite d’une visite de la délégation des affaires européennes en Hongrie et rendu public en novembre 2020.

Tenons-nous au au second document, qui replace dans une perspective historique les relations entre la Hongrie et l’Europe, avec une date fondamentale : 1920 et le traité du Trianon, qui occasionne d’importantes pertes territoriales pour le pays et qui empoisonne toujours les relations à la fois avec les pays voisins, mais aussi à l’égard des pays de l’Ouest. Ces derniers auraient abandonné la Hongrie, notamment pendant la Guerre Froide et ne comprendraient pas cette Histoire si particulière. Pour autant, le gouvernement hongrois doit tenir compte d’une opinion publique pro-européenne, d’après des sondages contenus dans le rapport.

Les griefs retenus contre Budapest sont toutefois nombreux et graves. Ils pourraient à vrai dire inquiéter une grande partie des groupes politiques européens, pas seulement le PPE : entorses à la liberté d’association, paysage médiatique quasi-contrôlé par l’Etat –Klubradio, célèbre radio du pays, vient de cesser d’émettre sur décision gouvernementale-, attaques contre les droits des LGBT+ et surtout, de multiples atteintes à l’Etat de droit.

Ces derniers éléments constituent le nerf de la guerre et sont ceux qui soulèvent le plus d’interrogation, pour deux raisons :

  • Paradoxalement, la Hongrie a été premier Etat du bloc soviétique à ratifier la Convention européenne des droits de l’homme, en 1992. En entrant ensuite dans l’Union européenne, elle devait respecter les critères de Copenhague, indispensables pour envisager une adhésion à l’Union. Au premier rang desquels, le respect de l’Etat de droit.
  • L’Union ne dispose d’aucune procédure d’exclusion d’un Etat pour une quelconque raison, seulement d’un mécanisme de sanction aux effets très limités.

Lire aussi : Valeurs fondamentales de l’Union et sanctions

Alors, la faute à qui ? Au Fidesz, dont les positions sont incompatibles avec le modèle de démocratie à l’occidentale ? Ou à l’Union, dont les traités ne prévoient pas de sanctions significatives voire de procédures plus radicales. Cette dernière s’en retrouve prise en tenaille. La Hongrie continue à percevoir des fonds européens – 25 milliards de fonds structurels provenant du budget 2024-2020 quand les Hongroises et Hongrois voient leurs libertés disparaitre.

Plus de publications

Âgé de 23 ans, Léo est l’un des trois fondateurs de Causons d’Europe. Ayant obtenu une licence d’Histoire et un master de Relations Internationales, il est actuellement en service civique chez Radio Campus Angers. Son dada ? Causer d’Europe avec celles et ceux qui ne disposent pas de beaucoup d’informations à ce sujet, voire n’en disposent pas ! Passionné par la politique, le sport, l’Europe et le monde, les mouvements sociaux, la presse indépendante … Il répond toujours présent pour exprimer son avis, de préférence à l’encontre des discours consensuels, et il se rapproche des lectrices et lecteurs pour s’assurer de sensibiliser le public le plus large possible.