Mise au point : Hashim Thaçi, de la présidence du Kosovo au Tribunal spécial de La Haye4 minutes de lecture

Le président kosovar Hashim Thaçi a démissionné de ses fonctions le jeudi 5 novembre. En cause, une accusation portée par le procureur du Tribunal spécial pour le Kosovo, accusant entre autres Thaçi de crimes de guerre et crimes contre l’humanité. La présidente de l’Assemblée, Vjosa Osmani, assure la présidence d’intérim.

Une accusation formulée au mois de juin 2020

Le 26 juin dernier, le Bureau du procureur spécialisé -une juridiction spécialisée dans les affaires liées à la guerre du Kosovo- publiait un communiqué dans lequel il accusait le désormais ex-président kosovar Hashim Thaçi « de divers crimes contre l’humanité et crimes de guerre, y compris le meurtre, la disparition forcée de personnes, la persécution et la torture. […] Les crimes allégués dans l’acte d’accusation impliquent des centaines de victimes connues d’Albanais du Kosovo, de Serbes, de Roms et d’autres ethnies et incluent des opposants politiques. ».

Quelques jours plus tard, il réagissait calmement dans un discours : « j’ai peut-être commis des erreurs politiques en paix, mais jamais des crimes de guerre ». Il se rendit par la suite à La Haye, où siège le Tribunal, avant de réagir dans une nouvelle allocution à la mi-juillet : « Pendant quatre jours consécutifs, j’ai rempli mon obligation civique et institutionnelle de comparaître devant les procureurs des chambres spécialisées de La Haye. J’ai effectué environ 30 heures de confrontation avec le corps du parquet, où j’ai pris connaissance de toutes leurs allégations et répondu à leurs questions. J’ai un plein respect pour le processus de clarification, jusqu’au bout, de la vérité et de mon rôle dans la lutte de libération pour la liberté et l’indépendance. ». C’est presque logiquement que Thaçi finit par quitter la présidence le 5 novembre.

Hashim Thaçi,  leader de l’armée de libération (UCK) dans la guerre du Kosovo à l’aube des années 2000

Les faits qui sont reprochés par le Tribunal à Thaçi et une poignée d’hommes se sont déroulés dans le cadre de la guerre du Kosovo. Entre 1998 et 1999, les troupes de l’armée de libération du Kosovo, l’UCK, soutenues par l’OTAN, combattaient l’armée yougoslave afin d’obtenir l’indépendance de cette région majoritairement albanaise.

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Hashim Thaçi avait des prérogatives importantes au sein de l’UCK et, à la fin de la guerre, il a été un personnage de premier plan dans la construction du Kosovo tel que nous le connaissons aujourd’hui. Cependant, l’acte d’accusation du Bureau du procureur spécialisé du Kosovo publié il y a quelques jours révèle les pratiques de guerre employées par l’UCK, à l’époque dirigée par Thaçi : des crimes de guerre et contre l’humanité, allant de l’emprisonnement à la disparition de personnes en passant par la torture et le meurtre, y compris à l’encontre des civils. D’après ce même document, Thaçi et ses hommes de main ont agit dans une vingtaine de centres de détention situés sur tout le territoire kosovar. Des faits qui avaient déjà été mentionnés dans une longue enquête menée par le New York Times.

Et maintenant ? Le difficile travail de la juridiction spécialisée

Le Bureau du procureur spécialisé du Kosovo a été institué afin de faire la lumière sur les crimes de droit, de guerre et contre l’humanité qui ont émaillé la guerre entre 1998 et 2000. Elle étudie les crimes commis à l’encontre des citoyens kosovars et de la Yougoslavie. Il s’agit d’un tribunal international qui siège à La Haye.

Si Hashim Thaçi déclare publiquement son soutien à cette instance, la réalité est toute autre. Il affirme régulièrement que la justice n’est pas objective et cherche à réécrire l’histoire. Par ailleurs, les éventuels témoins reçoivent régulièrement des pressions et menaces visant à les empêcher de participer aux travaux du Bureau. Et au vu de l’héritage de Thaçi dans la vie politique kosovare, nul doute que ce dossier est loin d’être clos. Au grand dam de la vérité historique, de la mémoire et du deuil des familles de victimes.

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Âgé de 23 ans, Léo est l’un des trois fondateurs de Causons d’Europe. Ayant obtenu une licence d’Histoire et un master de Relations Internationales, il est actuellement en service civique chez Radio Campus Angers. Son dada ? Causer d’Europe avec celles et ceux qui ne disposent pas de beaucoup d’informations à ce sujet, voire n’en disposent pas ! Passionné par la politique, le sport, l’Europe et le monde, les mouvements sociaux, la presse indépendante … Il répond toujours présent pour exprimer son avis, de préférence à l’encontre des discours consensuels, et il se rapproche des lectrices et lecteurs pour s’assurer de sensibiliser le public le plus large possible.