Sankt Pauli – Pas de football pour les fascistes5 minutes de lecture
L’univers du sport est depuis toujours politisé, le football ne fait pas exception. Les joueurs sur le terrain ou les supporters en tribunes en sont les principaux acteurs. Un club européen sort particulièrement du lot, le FC Sankt Pauli et son militantisme, qui prône la tolérance et l’humanité.
Une idéologie qui émerge dans l’Allemagne des années 1980
Sankt Pauli est un quartier de Hambourg, la deuxième ville d’Allemagne. Le club incarne lui-même son idéologie, marquée par l’univers punk, l’anarchisme et les idées de gauche. Le premier match de football a lieu en 1907 mais le club est officiellement créé en 1910. Historiquement, le club a le plus souvent été en deuxième ou troisième division mais a fait huit passages en Bundesliga, la première division. Son meilleur résultat est une dixième place obtenue en 1988-1989. Pourtant, les performances sportives des Braun und Weiss (marrons et blancs) ne sont pas forcément les éléments les plus importants du club.
Au cours des années 1980, une politisation d’extrême-droite se développe dans les stades allemands. C’est le cas au Hambourg SV, l’autre équipe de la ville. Plusieurs supporters décident alors de quitter leur club pour rejoindre le Sankt Pauli. Dans le même temps, un mouvement des autonomes (libertaires, communistes, anarchistes…) se développe dans de nombreuses villes du pays. À Hambourg, c’est dans le quartier populaire et prolétaire de Sankt Pauli qu’il émerge. Ses membres occupent des immeubles inoccupés, s’opposent au nucléaire, militent pour la paix… Tout ces éléments forment alors un mélange particulier qui donne à ce club et à ses fans, son caractère si unique et particulier.
Un club de tous les combats ancrés à gauche
Le club adopte une doctrine ancrée sur l’antifascisme, l’antiracisme, la lutte contre le sexisme, contre le racisme, contre l’homophobie ou toutes autres discriminations. Si dans de nombreux clubs européens, ces doctrines sont adoptées par des supporters, à Sankt Pauli, le club lui-même les soutient. En 2009, une charte a été adoptée et chacun doit se conformer aux différents principes qui y sont énoncés. En octobre 2019 par exemple, le joueur Cenk Sahin a partagé un message de soutien à l’offensive turque en Syrie du Nord. L’apologie de la guerre étant proscrite par la charte, le club s’est séparé du joueur.
Cet engagement entraîne forcément des tensions avec d’autres clubs. Même si le derby avec le HSV est un enjeu majeur, les matchs les plus tendus ont lieu face au FC Hansa Rostock. Cette ville a connu une montée de l’extrême-droite et du néonazisme qui se retrouve dans une partie des supporters du club. Pendant les avants matchs, les rencontres entre supporters ou les défilés sont des moments de tensions important.
Engagé jusqu’au stade et au maillot
Le stade Millerntor incarne aussi les différentes luttes du club. Xavier, animateur du Fan club Sankt Pauli francophonie, le considère comme « un havre de sociabilité, d’inclusion. Ce n’est pas juste un lieu de spectacle, c’est un lieu de vie. On rencontre, on débat, on agit, on change le monde ». Une crèche y est installée toute l’année, mais aussi un musée. Des expositions d’œuvres d’art y ont aussi lieu durant l’été. Depuis 2013, un drapeau arc-en-ciel – utilisé par la communauté LGBT – flotte sur le toit de l’enceinte. À proximité, des conteneurs sont aménagés pour que les sans-abris puissent prendre des douches gratuitement. Toujours suivant ses idéaux, en 2017, lorsque le G20 se déroule à Hambourg, plus de 200 manifestants anti-G20 sont accueillis au Millerntor.
Les joueurs eux-mêmes sont à l’origine de nombreux projets. Au début des années 2000, deux joueurs du club, lors d’une tournée à Cuba se rendent comptent de gros problèmes d’accès à l’eau. Ils vont alors développer une fondation pour financer différents projets : installation de toilettes sèches, purification de l’eau dans les pays africains, dans les Caraïbes, en Asie… Autre initiative en 2015, des joueuses de l’équipe féminine lancent le FC Lampedusa, « un club semi-professionnel pour accueillir les réfugiés qui ont une pratique du football dans leur pays d’origine et leur permettre par cette pratique du football de pouvoir commencer des démarches de stabilisation de leur statut en Allemagne » nous explique Xavier.
En 2021, après cinq années chez l’équipementier Under Armour, le club décide de trouver un fournisseur respectueux du développement durable et du commerce équitable. Le Sankt Pauli décide alors de régler ce problème de façon interne et crée alors sa propre marque, DIIY. Congstar, son sponsor maillot sait aussi s’adapter à ce marché différent. Il laisse place lors de certaines occasions à des messages comme par exemple Kein Fussball den Faschisten (Pas de football pour les fascistes) qui remplace le nom de l’agence de télécommunication sur le devant de la tunique.
Plus de 600 associations de supporters existent à travers le monde. Le Fan club Sankt Pauli francophonie en fait partie. Nous vous proposerons demain l’entretien réalisé avec Xavier, un de ses animateurs.
Avec Léo et Tony, Paul a fondé Causons d’Europe. Il se définit pourtant comme le membre le moins actif du triumvirat. Âgé de 23 ans, il est étudiant en journalisme, et profite des articles qu’il rédige pour partager ses passions comme le sport ou la géopolitique. Il apprécie également mettre à l’honneur des pays ou des régions parfois méconnus du grand public.