Aux marges de l’Europe : la Géorgie tiraillée entre envie d’Europe et influence russe4 minutes de lecture

Dans son discours prononcé lors de la fête de l’indépendance géorgienne, le Ministre des Affaires étrangères David Zalkaliani a souligné les liens existants entre son pays et l’Union. Si la question d’une adhésion future de la Géorgie se pose, le compte n’y est pas encore.

Le tissage des liens entre la Géorgie et l’Union

David Zalkaliani n’a pas lésiné sur les mots pour désigner les relations entre la Géorgie et les Vingt-Sept : « partenaire associé de l’UE […] des liens historiques et des valeurs communes […] quête d’une intégration toujours plus étroite avec l’UE […] aspiration européenne et euro-atlantique. » Rien que ça. Reprenons les choses dans l’ordre. D’abord, en 1999, les deux parties concluent un accord de coopération. En 2008, à la suite du conflit géorgien – lire plus bas -, l’UE installe une mission d’observation sur place. Cette mission fournit des informations recueillies sur place et s’implique dans la médiation du conflit.

La Géorgie est membre du partenariat oriental lancé en 2009. Objectif, renforcer les liens économiques et rapprocher les six pays du partenariat – la Biélorussie, l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie complètent le partenariat – des traits européens. A ce titre, les « 20 objectifs pour 2020  »  sont proches des critères d’adhésion à l’Union : pluralité médiatique, économie libérale, Etat de droit, lutte contre la corruption. En 2016, la Géorgie et l’Union concluent un accord d’association. Celui-ci crée une zone de libre-échange entre les deux.

Ces divers partenariats et accords ne sont pas uniquement économiques, il sont aussi géopolitiques. Il s’agit, pour l’Union, d’accroître son influence là où la Russie cherche à garder ses liens.

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L’influence de Moscou dans son « étranger proche »

Après la chute de l’URSS en 1991, la Russie a cherché à conserver des liens avec les anciennes républiques qui la constituaient. D’abord, à travers la Communauté des Etats Indépendants, la CEI. Les pays Baltes ont refusé de la rejoindre, au grand dam de Moscou. Ensuite, en 2007, l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), poursuivit le même but. Rappelons qu’en 2004 et 2007, la grande majorité des anciennes républiques soviétiques d’Europe de l’Est intégraient l’Union. Pas question donc de s’éloigner de nouveaux Etats, désignés comme « l’étranger proche ».

Localisation de la Géorgie et des régions concernées par le conflit de 2008. Source : capture d’écran Google Maps

En 2008, deux régions géorgiennes, l’Ossétie du Sud – située à la frontière entre la Russie et la Géorgie – et l’Abkhazie – en bord de mer Noire – se soulèvent. Les deux territoires souhaitent accéder à l’indépendance et les autorités russes les soutiennent largement sur le plan militaire. Lorsque les troupes géorgiennes interviennent, l’armée russe se mobilise et prend le contrôle de la situation. Aujourd’hui, le statut des deux territoires est toujours contesté.

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Charles Michel, artisan de la résolution de la récente crise politique

La Géorgie souhaite intégrer l’Union européenne, c’est indéniable. 80% de la population y est favorable. Cela a bien sûr été rappelé par la présidente géorgienne Salomé Zourabichvili lors de sa visite en janvier à Bruxelles. Hier, D. Zalkaliani enfonçait le clou, parlant de « totalitarisme soviétique vicieux ». La Géorgie viserait une demande d’adhésion à l’Union en 2024. Cependant, le chemin est encore long pour respecter les critères de Copenhague, à satisfaire pour y entrer. C’est en tout cas ce que montre la situation politique des derniers mois.

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Lors des résultats des élections législatives d’octobre 2020, l’opposition dénonce des fraudes de la part du parti au pouvoir, Rêve géorgien. Celle-ci refusait de siéger à l’assemblée, bloquant alors la vie politique. Le président du Conseil européen, Charles Michel, s’impliqua largement dans la résolution de cette crise. Une crise qui a fait des dégâts : le Premier ministre Georgi Gakharia a en effet démissionné en février dernier. En cause, son opposition à l’arrestation de Nika Melia, un opposant politique. De même, Natalie Sabanadze, qui représente la Géorgie auprès de l’Union, a quitté son poste.

Charles Michel s’est rendu à deux reprises à Tbilissi, la capitale géorgienne. D’abord en mars, pour faire un point sur la situation, sans grandes conséquences. Ensuite, en avril, pour mettre sur les rails un accord de déblocage de la situation politique :

  • Le texte reconnaît des pressions de la part du pouvoir en place sur les électeurs au moment du scrutin.
  • Des satisfactions pour l’opposition dans le fonctionnement de la justice et du pouvoir législatif
  • Amnistie pour des prisonniers politiques

L’Union européenne a même réglé la caution de libération de Nika Melia. Alors qu’attendre pour la suite ? Les élections locales du mois d’octobre prochain constituent un vrai test pour répondre à une question cruciale : La Géorgie s’éloigne-t-elle ou se rapproche-t-elle de son rêve européen ?

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Âgé de 23 ans, Léo est l’un des trois fondateurs de Causons d’Europe. Ayant obtenu une licence d’Histoire et un master de Relations Internationales, il est actuellement en service civique chez Radio Campus Angers. Son dada ? Causer d’Europe avec celles et ceux qui ne disposent pas de beaucoup d’informations à ce sujet, voire n’en disposent pas ! Passionné par la politique, le sport, l’Europe et le monde, les mouvements sociaux, la presse indépendante … Il répond toujours présent pour exprimer son avis, de préférence à l’encontre des discours consensuels, et il se rapproche des lectrices et lecteurs pour s’assurer de sensibiliser le public le plus large possible.