Thérapie de conversion : une législation globalement absente en Europe4 minutes de lecture

Dans son discours du 11 mai 2021, la reine Elisabeth II a déclaré vouloir interdire les thérapies de conversion au Royaume-Uni, des propos soutenus par Boris Johnson. Le reste de l’Europe n’est pas encore au point judiciairement parlant.

C’est quoi une thérapie de conversion ?

La thérapie de conversion ou homothérapie est une pratique qui vise à changer l’orientation sexuelle ou identité de genre des personnes, considérées comme malades. 

Par là il faut comprendre le changement des personnes qui ne rentrent pas dans le modèle hétérosexuel et cisgenre, soit les personnes lesbiennes, gay et transgenres. Pourtant, l’homosexualité a été retirée de la liste des afflictions mentales de l’ONU en 1992, la transidentité en 2019. Notons aussi que les personnes transgenres sont bien souvent omises lorsque l’on parle de ces thérapies, bien qu’elles en soient aussi victimes.

En France, une mission d’information sur ces pratiques a été rapportée auprès de l’assemblée nationale par Laurence Vanceunebrock et Bastien Lachaud en 2019. Ce rapport fait état de pratiques religieuses (sans distinction), médicales ou sociétales « reposant sur la conception fausse de l’homosexualité, considérée à tort comme une maladie ». Parmi les personnes rescapées interrogées pour cette mission, on relève des exorcismes, des sessions de prières, voire des appels à la chasteté, viols, excisions, mariages forcés… Toutes ces techniques de violences physiques et/ou psychologiques n’ont eu pour seul effet que d’accentuer les souffrances des victimes, en multipliant leur risque de dépression et de tentatives de suicide. Le tabou autour de la thérapie de conversion résulte de l’absence de législation claire selon les deux députés. C’est pour cette raison qu’ils incitent au déploiement d’un meilleur arsenal judiciaire pour rendre les thérapies de conversion illégales.

Où en est-on en Europe ?

Au sein de l’UE, plusieurs parlementaires appellent à l’interdiction des thérapies de conversion. Une résolution non contraignante a même été votée en 2018 par le Parlement européen pour encourager les pays à aller dans ce sens. Très peu ont suivi le mouvement, à quelques exceptions près.

Malte est le premier à les avoir interdites en 2016. En Allemagne, les mineurs sont protégés légalement de ces pratiques depuis 2020. Les auteurs risquent une amende et jusqu’à une année d’emprisonnement. Jens Spahn, le ministre fédéral de la santé avait alors déclaré : « L’homosexualité n’est pas une maladie, parler de thérapie est donc trompeur ». La même année, l’Albanie est venue grossir les rangs. Enfin, si une interdiction est déjà effective dans plusieurs collectivités autonomes espagnoles, elle devrait s’étendre à toute l’Espagne lors du passage de la prochaine loi égalité LGBT, d’après la Federación Estatal de Lesbianas, Gays, Transexuales y Bisexuales, qui s’est entretenue avec la ministre en charge de l’Égalité Irene Montero.

Suite à la déclaration de la Reine, la Grande-Bretagne devrait adopter une loi prochainement. Une décision qui tiendrait cette promesse formulée par Theresa May dans son plan d’action en 75 points. L’actuel Premier ministre, Boris Johnson, avait quant à lui déjà interdit les publicités vantant les thérapies de conversion lorsqu’il était maire de Londres. L’organisation britannique de défense des droits LGBTI+ Stonewall a salué ces récentes déclarations. Elle espère une loi détaillée et l’apport d’un soutien aux victimes. La discussion puis adoption de la loi doit se faire dans les deux prochaines années. Elle rencontre déjà quelques résistances, notamment de groupes religieux. Evangelical Alliance, groupe chrétien composé d’environ 3 500 églises réparties sur le pays, s’est adressé au Premier ministre sur sa crainte d’une définition trop extensible qui entraverait leur liberté confessionnelle. D’après une enquête nationale publiée en 2019 effectuée sur un panel d’environ, 100 000 personnes LGBTI+, 2% d’entre elles ont déjà subi une thérapie de conversion et 5% on vu cette pratique leur être proposée.

En France, la députée Laurence Vanceunebrock, qui porte ce combat depuis plusieurs années, a déposé une proposition de loi à destination de ces thérapies. Le 17 mai 2021, journée mondiale contre les LGBTIphobies, elle déplorait l’impossibilité pour les victimes de déposer plainte en France, le Parlement n’ayant pas encore adopté sa proposition de loi. Élisabeth Moréno, ministre déléguée à l’Égalité a annoncé la publication d’une circulaire du ministère de la Justice qui condamne les thérapies de conversion. Ce n’est pas une création de loi mais un appel à s’appuyer sur les législations déjà existantes comme les délits de harcèlement moraux, abus de faiblesse ou propos homophobes pour encadrer ces pratiques. Une décision insuffisante pour les associations qui demandent une vraie législation.

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Diplômée d’une licence d’Anglais et d’un master de Journalisme axé sur l’audiovisuel et le documentaire, Clémence retourne à ses premiers amours via Causons d’Europe : les lettres et les langues ! Si ses articles touchent à tous les domaines, elle reste persuadée que la vulgarisation des luttes féministes et queer permettra de sortir des débats stériles.
Au-delà de ça, elle traverse une crise existentielle, car elle ne peut plus aisément prendre le thé avec les britanniques depuis leur départ de l’UE, mais elle tient le coup … Et elle est toujours à la recherche de piges.