Quelle place pour l’Union européenne dans le conflit israélo-palestinien ?5 minutes de lecture

Le conflit israélo-palestinien s’est ravivé ces derniers jours. Au départ, des Palestiniens s’étaient mobilisés à Jérusalem-Est pour protester contre l’expulsion de familles palestiniennes de cette partie de la ville, avant de s’étendre aux deux pays. Cette pratique, courante, s’inscrit dans le processus de colonisation de la Cisjordanie entrepris par l’Etat hébreu depuis 1967, violant en tout état de cause le droit international. Sur place et à Bruxelles, l’Union essaye d’affirmer ses positions, en dépit de profondes divisions.

En Palestine, une aide humanitaire nécessaire

Rappelons d’emblée que la désignation « Palestine » fait débat. Là où certains reconnaissent un Etat palestinien, d’autres parlent d’autorité palestinienne. Toujours est-il que la Palestine est divisée en deux :

  • La bande de Gaza, à proximité de l’Egypte et en bordure de Méditerranée, est contrôlée par le Hamas, un mouvement armé considéré comme terroriste par l’Union depuis 2003.
  • La Cisjordanie et Jérusalem-Est, dans les terres, sont sous l’autorité du Fatah et du président Mahmoud Abbas. L’Etat israélien y mène une politique de colonisation qui consiste à prendre le contrôle de ce territoire palestinien et à exproprier les populations palestiniennes qui s’y retrouvent.

L’aide humanitaire en Palestine est presque bienvenue par définition. La bande de Gaza, où s’entassent deux millions de personnes, est soumise à un blocus. Les services de base – eau, électricité, sécurité alimentaire et soins médicaux – ne sont pas assurés. Dans l’ensemble, 2 millions de Palestiniens ont besoin de l’aide humanitaire.

En 2020, l’Union a financé environ 23 millions d’euros de fonds humanitaires, destinés à assister les familles expulsées en Cisjordanie et les Gazaouis. Au-delà des besoins de base, l’Union injecte de longue date de l’argent dans l’éducation.

Au Parlement : défendre le compromis de 1967 et condamner les violences

A Bruxelles et à Strasbourg, le Parlement européen essaye de faire entendre sa voix, sans grand succès jusqu’ici, comme tout le monde finalement. En 2014, les heurts entre Israël – qui lance l’opération « bordure protectrice » – et le Hamas reprennent. Bilan : 2 000 morts dont 500 enfants, 10 000 blessés, 136 écoles détruites côté palestinien ; 72 morts dont 66 soldats et 500 blessés côté israélien.

Les eurodéputés réaffirment leur position sur le conflit, c’est-à-dire la cohabitation de deux Etats, le respect des frontières établies en 1967, Jérusalem capitale des deux entités. Ils défendent également la levée du blocus à Gaza, la réconciliation entre la branche politique du Hamas et le Fatah, tout en condamnant la colonisation israélienne. Enfin, ils appellent à entraver le trafic d’armes et toute action menée par le Hamas.

Le discours du président palestinien M. Abbas au Parlement européen en 2016 est dans la même veine. S’il demande plus d’aide de la part de l’Union pour trouver une solution, il estime que le Hamas n’arrêtera pas ses actions tant qu’Israël occupera la Cisjordanie.

Comme c’est très souvent le cas en politique étrangère, la voix européenne ne pèse pas. Alors oui, aucune puissance ne parvient à peser sur ce conflit. Peut-être qu’en discutant autour d’une table, une position commune pourrait être envisagée, y compris avec les principaux concernés : Israël, le Fatah et le Hamas.

La question la plus brûlante, c’est la reconnaissance de l’Etat palestinien. Là encore, la question s’est posée au Parlement. En 2014, Martina Anderson – groupe Nouvelle gauche, cheffe de délégation des relations avec la Palestine -, estimait cette reconnaissance nécessaire. Elle proposait de suspendre l’accord d’association qui lie l’Union à Israël et désignait clairement qu’Israël sapait la solution à deux Etats. De l’autre côté, Fulvio Martusciello, son homologue pour Israël, défend des positions plus modérées.

Parler d’une seule voix : les Vingt-sept face à leurs divisions

A travers les résolutions qu’il vote, le Parlement européen défend une position assez homogène. En revanche, les divisions les plus nettes s’affichent du côté des Etats membres de l’Union. En 2014, neuf Etats reconnaissaient la Palestine comme un Etat : République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Pologne, Malte, Suède et Chypre. D’autres l’ont fait symboliquement ou ouvrent le débat via leurs Parlements nationaux : le Royaume-Uni (membre de l’Union à l’époque), la France, l’Espagne et l’Irlande.

L’accueil a été presque hostile, voire méprisant, lorsque la Suède s’est dit prête à défendre une ligne politique ambitieuse pour la Palestine : « le gouvernement suédois doit comprendre que les relations au Moyen-Orient sont plus compliquées que le montage des meubles Ikea ». D’autres Etats brandissent systématiquement le droit d’Israël à se défendre, notamment l’Allemagne, l’Autriche et la Slovénie. La Pologne et la Hongrie n’hésitent pas non plus à dénoncer les défaillances économiques et politiques de l’autorité palestinienne. Le paroxysme de ces divisions au sein de l’Union a été atteint en 2018, lorsque des Etats se sont rangés aux côtés du plan de paix proposé par le président américain D. Trump, pourtant quasi-unanimement dénoncé.

Dernier épisode en date, mardi 18 mai, lorsque Josep Borrell, le patron de la diplomatie européenne, a réuni les Vingt-Sept pour formuler une déclaration commune de condamnation des violences … sans la Hongrie, qui ne s’y joint pas. Celle-ci y a dénoncé des « positions partiales et déséquilibrées ».

Ces difficultés à parler d’une seule voix, qui n’est pas propre au dossier israélo-palestinien, ne fait guère avancer les choses sur le terrain. Sept ans après la réaffirmation de la position européenne, Josep Borrell défend le même équilibre que sa prédécesseure il y a sept ans. C’est-à-dire la même position que l’ONU en 1967. La colonisation se poursuit, les victimes civiles s’accumulent et la possibilité d’une paix durable s’envole une nouvelle fois.

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Âgé de 23 ans, Léo est l’un des trois fondateurs de Causons d’Europe. Ayant obtenu une licence d’Histoire et un master de Relations Internationales, il est actuellement en service civique chez Radio Campus Angers. Son dada ? Causer d’Europe avec celles et ceux qui ne disposent pas de beaucoup d’informations à ce sujet, voire n’en disposent pas ! Passionné par la politique, le sport, l’Europe et le monde, les mouvements sociaux, la presse indépendante … Il répond toujours présent pour exprimer son avis, de préférence à l’encontre des discours consensuels, et il se rapproche des lectrices et lecteurs pour s’assurer de sensibiliser le public le plus large possible.