Synthèse : Etat des lieux de la liberté de la presse en Europe4 minutes de lecture

Chaque année depuis 2002, Reporters sans frontières – RSF – publie le classement de la liberté de la presse. Fondé en 1985, c’est l’observatoire des journalistes partout dans le monde : exactions, emprisonnements, menaces, tout est recensé quotidiennement. Concentrons-nous sur les pays du Vieux continent.

Calculer la liberté de la presse ?

Comme RSF le mentionne explicitement, il n’est pas question ici de juger la qualité du travail des journalistes. Il s’agit d’évaluer le degré de liberté dont ils bénéficient pour exercer. Outre les exactions commises à leur encontre, le classement tient compte des critères suivants :

  • Le pluralisme, qui reflète de la diversité des opinions dans le paysage médiatique.
  • L’indépendance, c’est-à-dire des médias qui se financent par leurs propres moyens, sans publicité, actionnaire ou propriétaire.
  • L’autocensure : est-ce que qu’un journaliste ne s’interdit pas de publier des contenus en raison de pressions ?
  • Le cadre légal, qui organise la profession dans le droit
  • La transparence
  • Les infrastructures
  • Les violences commises à l’encontre des journalistes

Une formule mathématique donne un score entre 0 et 100. La situation est bonne entre 0 et 15 ; plutôt bonne entre 15 et 25, problématique entre 25 et 35 ; difficile entre 35 et 55 et enfin, très grave entre 55 et 100.

Sans surprise, la Biélorussie est le pays européen le moins propice à la pratique du journalisme. L’Ukraine est également dans une situation particulière, notamment en raison du conflit qui s’y déroule depuis 2013.

Les pays nordiques au-dessus du lot, l’Europe de l’Est mauvaise élève

Les pays nordiques – Norvège, Finlande, Suède, Danemark – forment le top 4 du classement. RSF y a surtout relevé la dégradation des relations entre les autorités et les médias avec la pandémie. Mais cette situation ne leur est pas propre. Les Pays-Bas, le Portugal et la Suisse ferment le top 10 où l’on trouve tout de même sept pays européens.

Le son de cloche n’est pas le même du côté de l’Europe de l’Est. D’abord en Pologne, là où les autorités utilisent les médias publics comme des instruments de propagande à leur service. L’ensemble des médias avait d’ailleurs protesté sur leur situation en février dernier. Le président réélu A. Duda les a largement utilisés pour s’en prendre à l’opposition pendant la campagne. La Hongrie suit sensiblement le même chemin. Le gouvernement de Viktor Orban s’emploie à contrôler la circulation de l’information et à taire l’opposition. A titre d’exemple, KlubRadio, indépendante et portée sur la critique des autorités, n’a pas pu renouveler sa fréquence de diffusion. De plus, la législation envers les médias est de plus en plus contraignante.

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Au sein de l’Union, c’est la Bulgarie qui enregistre le pire score et qui se classe à la 112ème place. Les journalistes qui enquêtent de façon indépendante sur des sujets délicats reçoivent des menaces où peuvent être interrogés par la police.

Le chemin est encore long dans les Balkans occidentaux

Les pays qui composent les Balkans occidentaux – Bosnie, Serbie, Monténégro, Kosovo, Albanie – souhaitent intégrer l’Union. Pour ce faire, ils doivent respecter des critères d’adhésion, parmi lesquels l’état de droit et les droits de l’homme. Des droits qui s’appliquent évidemment aux journalistes et de ce point de vue, des progrès doivent être faits :

  • En Serbie, les autorités ont pratiquement une mainmise totale sur les médias nationaux. Les journalistes doivent parfois traiter avec une police et des manifestants qui leur sont hostiles. Un exemple : Ana Lalić a été placée en garde à vue suite à un reportage dans un hôpital débordé par les patients atteints de Covid-19.
  • En Albanie, également pendant la crise sanitaire, le Premier ministre Edi Rama a fait de l’éloignement des médias une mesure sanitaire de lutte contre le virus. Deux chaînes de télévision plutôt rangées à l’opposition se sont retrouvées devant les tribunaux pour crime organisé.

Le cas français

La France conserve sa 34ème place. L’année 2020 a été tumultueuse pour les médias. Notamment, avec la proposition de loi de sécurité globale, sur laquelle planche actuellement le Conseil constitutionnel. Mais relevons également les journalistes tenus à l’écart d’évacuations de camps de migrants ou les attaques verbales à leur encontre de la part de responsables politiques. Les risques pris pour couvrir les manifestations sont plus nombreux. Dernier point, RSF estime que cela coince aussi au niveau de la propriété des médias, les grands titres étant tous sous contrôle d’un petit nombre de personnes :

  • Xavier Niel : Le Monde, Courrier International, L’Obs
  • Bernard Arnault : Le Parisien, Les Echos
  • Bouygues : Tf1, TMC, LCI
  • Patrick Drahi : BFM TV, Libération
  • Vincent Bolloré : Canal, CNews, C8

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2020 a aussi été l’année du procès des attentats contre Charlie Hebdo. Un rappel, s’il en fallait un, que la liberté de la presse est essentielle et doit être honorée chaque jour.

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Âgé de 23 ans, Léo est l’un des trois fondateurs de Causons d’Europe. Ayant obtenu une licence d’Histoire et un master de Relations Internationales, il est actuellement en service civique chez Radio Campus Angers. Son dada ? Causer d’Europe avec celles et ceux qui ne disposent pas de beaucoup d’informations à ce sujet, voire n’en disposent pas ! Passionné par la politique, le sport, l’Europe et le monde, les mouvements sociaux, la presse indépendante … Il répond toujours présent pour exprimer son avis, de préférence à l’encontre des discours consensuels, et il se rapproche des lectrices et lecteurs pour s’assurer de sensibiliser le public le plus large possible.