Les femmes, grandes perdantes de la crise sanitaire dans l’UE5 minutes de lecture

Violences conjugales, charge de travail domestique importante, perte d’emploi et manque de représentation des femmes ont caractérisé cette première année marquée par la pandémie. C’est ce que conclu le premier rapport annuel sur l’égalité femme / homme de la Commission.

Il y a un an, la Commission a adopté un programme visant à tacler les inégalités de genre au sein de l’Union afin de, comme elle le décrit de pouvoir partager « une vision de l’Europe au sein de laquelle, hommes, femmes, filles et garçons dans toute leur diversité puissent vivre librement sans subir de violences ou de stéréotypes et avoir les mêmes chances d’entreprendre ». De 2020 à 2025, des rapports et analyses seront régulièrement publiés pour rendre compte des avancées ou non des pays membres. Le premier rapport est donc sorti un peu avant le 8 mars, journée internationale des droits des femmes. Rien de nouveau sous le soleil, l’Europe confirme que les femmes ont bel et bien payé le prix fort de cette crise sanitaire. Nous vous proposons une synthèse de ces cinquante pages.

Une hausse des violences conjugales

Le confinement a voulu garder les citoyennes et citoyens en lieu sûr, chez eux. Pourtant, rester au foyer est loin d’être gage de sécurité pour nombre de personnes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

  • 20% d’affaires de violences conjugales supplémentaires signalées en Lituanie sur les trois premières semaines.
  • 32% en plus ont été signalées en France pour la première semaine de confinement.
  • En Irlande, c’est 5 fois plus d’ordonnances de protection qui ont été émises.
  • 18% d’appels en plus sur les services d’aide en Espagne les deux premières semaines.
  • Une augmentation de 60% des appels aux services d’aide observée par les États membres.

Le rapport le rappelle, dans 1 cas sur 5, l’agresseur est le partenaire de la victime. Et dans plus de la moitié des affaires de féminicides, il est le meurtrier. En juin dernier, l’OMS alertait déjà sur cette explosion de cas reportés. Le Dr Kluge, directeur régional de l’OMS pour l’Europe, incitait les autorités locales et nationales à réagir pour protéger les plus vulnérables en rappelant que les enfants n’étaient malheureusement pas épargnés.

Au printemps dernier, la Commission recommandait déjà aux États membres de mieux financer les ligne d’alerte et d’écoute, d’augmenter les places d’hébergement d’urgence et les budgets des services d’aide aux victimes. Ainsi, la Slovénie a mis en place un réseau de ligne ouvert 24h/24h tous les jours de la semaine. En France, les victimes peuvent dorénavant se rendre en pharmacie pour trouver de l’aide et appeler les autorités. De même, les services d’aide ont pu rester ouverts et continuer d’accueillir le public car déclarés essentiels. Dernier exemple en Croatie où des cellules de crises ont été formées dans les centres sociaux pour intervenir plus rapidement.

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Confinées avec plus de travail domestique

Eurofound, la fondation européenne pour l’amélioration des conditions de travail a réalisé une enquête sur plus de 80 000 résidents de l’UE entre avril et juillet 2020. Dans les couples hétérosexuels avec un ou plusieurs enfants de moins de 12 ans, les femmes ont en moyenne passé 62 heures par semaine à s’occuper d’eux et ont dédié 23 heures aux tâches ménagères. Les hommes ont respectivement passé 36 heures pour les enfants et 15 heures pour le ménage. Et lorsque que les femmes sont sans emploi, ce chiffre atteint 74 heures semaines contre 37 heures pour un homme au chômage.

Rôles décisionnels : où sont les femmes ?

Les femmes sont restées sur le banc de touche en matière de décision. Une étude parue à l’été 2020 a examiné la composition des groupes de travail constitués pour répondre aux enjeux de la pandémie. Ces groupes étaient répartis sur 87 pays, dont 17 sont membres de l’UE. Ils sont majoritairement constitués d’hommes à 85%. Les groupes paritaires représentent 3,5% et 11% sont principalement constitués de femmes. Le rapport note également que seules 30% des ministres de la santé des pays membres sont des femmes.

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Elles sont en première ligne, dans des secteurs à risques

Une fois encore, la Commission reconnaît la nécessité de revaloriser les métiers à prévalence féminine. En Europe, 76% des professionnels de santé et des travailleurs sociaux sont des femmes. 86% des aides-soignants sont des femmes. Ces dernières ont vu leur charge de travail augmenter en plus de leur charge mentale domestique, rendant difficile pour elles de concilier vie privée et vie professionnelle. Les secteurs dits « à risque » englobent les métiers de la santé et du soin mais aussi plusieurs professions du tertiaire. Ces métiers du service, à l’instar des hôtes et hôtesses de caisse, techniciennes de surface, sont en effet propices au contact. Dans l’Union, 25% des femmes travaillent dans ce secteur.

La gente féminine est également surreprésentée dans les domaines les plus touchés par la pandémie, à savoir, la restauration, l’hôtellerie ou encore la vente, où le télétravail est impossible. Les femmes ont ainsi été plus exposées à la perte d’emploi ainsi qu’à la précarité financière lorsqu’elles n’ont pu bénéficier des aides débloquées par les États pour pallier les effets du chômage.

Quand il s’agit de retrouver un emploi, l’écart entre hommes et femmes reste présent. Dans l’UE, le taux d’emploi des hommes est systématiquement supérieur à celui des femmes depuis 2005. La reprise timide de l’emploi à l’été 2020 a confirmé cette tendance. Le taux d’emploi pour les hommes a augmenté de 1,4% contre 0,8% pour les femmes.

En conclusion ?

La Commission et ses souhaits d’avancées en matières d’égalité femme / homme ont été pris de court par la crise sanitaire. Cette dernière craint la nécessité de plusieurs années voire décennies pour remonter la pente. En attendant, la stratégie d’égalité déployée sur 2020-2025 permettra sûrement une collecte de données et d’indicateurs précieux pour envisager un travail de fond et adapté à chaque pays.

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Diplômée d’une licence d’Anglais et d’un master de Journalisme axé sur l’audiovisuel et le documentaire, Clémence retourne à ses premiers amours via Causons d’Europe : les lettres et les langues ! Si ses articles touchent à tous les domaines, elle reste persuadée que la vulgarisation des luttes féministes et queer permettra de sortir des débats stériles.
Au-delà de ça, elle traverse une crise existentielle, car elle ne peut plus aisément prendre le thé avec les britanniques depuis leur départ de l’UE, mais elle tient le coup … Et elle est toujours à la recherche de piges.