Tensions communautaires sur fond de Brexit en Irlande du Nord4 minutes de lecture

Au moment où elle fête le centenaire de son existence, l’Irlande du Nord connaît des tensions liées à la mise en œuvre de l’accord organisant le Brexit. Ce sont des décennies de conflits qui se ravivent, à la fois dans le milieu politique et dans la société civile.

Arlene Foster démissionne du poste de Premier Ministre

Arlene Foster, qui occupait le poste de Premier Ministre depuis janvier 2020, a démissionné de ses fonctions le mercredi 28 avril 2021. En cause, des problèmes internes au DUP, le Democratic Unionist Party (parti démocrate unioniste, favorable au rattachement de l’Irlande au Royaume-Uni) et l’accord de sortie du Royaume-Uni de l’Union, en vigueur depuis le 1er janvier dernier. A. Foster quittera d’ailleurs la présidence du parti et son gouvernement local d’ici quelques semaines. Pendant les négociations post-Brexit, elle s’était notamment impliquée contre tout retour d’une frontière entre les « deux Irlande ». Une attitude d’ailleurs saluée par son homologue irlandais, Micheal Martin, mais au résultat infructueux qui pèse lourd dans sa démission.

Le protocole nord-irlandais prévoit les dispositions suivantes :

  • L’Irlande du Nord bénéficie toujours du marché unique et de l’union douanière européennes.
  • Les marchandises produites en Irlande du Nord et exportées vers l’Union subissent le minimum de contrôles.
  • Les marchandises exportées vers l’Irlande du Nord depuis l’île de Grande-Bretagne sont contrôlées dans les ports, les aéroports. Cela répond à l’enjeu principal du protocole, à savoir, pas de retour à une frontière terrestre entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande.

Il est valable jusqu’en 2025. A cette date, il sera du ressort des autorités du pays de négocier sa prolongation ou son abandon. L’application de ce protocole a conduit ces dernières semaines à des émeutes en Irlande du Nord. Une nouvelle série de tensions qui s’inscrivent dans la continuité de plusieurs siècles d’affrontements réguliers et parfois sanglants. Avec en toile de fond, systématiquement, la division de l’île d’Irlande en deux entités.

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Des décennies de tensions communautaires

En 1916, alors que l’Angleterre lutte dans la Première Guerre mondiale, les Irlandais se soulèvent. C’est l’insurrection de Pâques. Puis, la guerre, entre 1919 et 1921, année où un accord est trouvé. L’Irlande est divisée en deux territoires. Au Sud, la future République d’Irlande, catholique. Au Nord, six comtés forment l’Irlande du Nord, majoritairement protestante mais les catholiques forment une importante minorité. Le Nord ne se stabilise pas pour autant, entre d’un côté les nationalistes et républicains catholiques; favorables à une réunification irlandaise et de l’autre, des loyalistes – aussi appelés unionistes – protestants attachés à leur appartenance au Royaume-Uni.

C’est surtout entre 1968 et 1998 que la poudrière irlandaise explose de nouveau. C’est la période des Troubles. A la suite d’une protestation pacifique des catholiques contre les inégalités, certains protestants et l’armée répondent par la violence. Des groupes paramilitaires se forment des deux côtés. Les catholiques s’organisent politiquement à travers le Sinn Fein, l’IRA (armée irlandaise républicaine) et l’IRA provisoire, une branche plus agressive. Si le but initial est la défense des quartiers catholiques de la capitale nord-irlandaise, Belfast, l’IRA provisoire sort l’artillerie lourde et commet des assassinats et attentats à la bombe.

L’armée est alors déployée dans la région et les événements sanglants se succèdent. Le 30 janvier 1972, l’armée britannique tire sur les manifestants catholiques : 14 morts. Certains militants, emprisonnés, se lancent dans des grèves de la faim. Ils trouveront la mort face à la froideur de la Première ministre britannique de l’époque, la dame de fer, Margaret Thatcher. L’IRA s’exporte en Angleterre, et frappe Brighton, Londres, Manchester, Warrington. C’est l’arrivée de Tony Blair aux affaires en 1998 qui change la donne. Les Troubles semblent se résoudre à travers l’accord du vendredi saint du 10 avril 1998. Bilan, 3 500 morts et 50 000 blessés.

Peut-on être surpris, compte tenu de ces éléments, que les tensions se ravivent aujourd’hui ? D’autant que le paysage nord-irlandais est imprégné de ces divisions. Entre les fresques mémorielles à Belfast, les quartiers presque exclusivement catholiques ou protestants, les murs fortifiés, difficile de ne pas vivre dans la peur et les souvenirs douloureux du passé.

Ainsi, l’Irlande du Nord connaît deux secousses de première importance. L’enjeu est important, dans le contexte des premiers mois de relations post-Brexit où tout le monde s’écharpe autour de la question : dans les rues de Belfast, dans les Parlements, dans l’Union. L’Irlande a sans doute en tête la date du 10 juillet, jour de fête pour les loyalistes d’Irlande du Nord, face à des catholiques qui considèrent ces célébrations comme des provocations.

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Âgé de 23 ans, Léo est l’un des trois fondateurs de Causons d’Europe. Ayant obtenu une licence d’Histoire et un master de Relations Internationales, il est actuellement en service civique chez Radio Campus Angers. Son dada ? Causer d’Europe avec celles et ceux qui ne disposent pas de beaucoup d’informations à ce sujet, voire n’en disposent pas ! Passionné par la politique, le sport, l’Europe et le monde, les mouvements sociaux, la presse indépendante … Il répond toujours présent pour exprimer son avis, de préférence à l’encontre des discours consensuels, et il se rapproche des lectrices et lecteurs pour s’assurer de sensibiliser le public le plus large possible.