Rapport 2020 de la CEDH #1 : La situation des droits de l’homme dans les pays membres de l’Union européenne4 minutes de lecture

La Cour européenne des Droits de l’Homme a publié fin janvier 2021 son bilan d’activité pour l’année 2020 sous forme d’un rapport de plus de 180 pages. Causons d’Europe vous propose un panorama des statistiques de l’année passée, assorties d’explications. Cela ne constitue pas le corps de texte du rapport, mais donne un aperçu des domaines d’intervention de la Cour.

Comme nous l’avions rappelé dans notre article consacré aux plaintes déposées par des manifestants de la place Maïdan de Kiev entre 2013 et 2014, la CEDH est une juridiction. Elle est rattachée au Conseil de l’Europe, une organisation internationale rassemblant 47 Etats. Ces Etats sont signataires de la Convention européennes des droits de l’Homme, entrée en vigueur en 1953. Le Conseil et la Cour sont chargés de surveiller le respect de cette Convention par les Etats signataires. Au besoin, la Cour traduit en justice les requêtes déposées par des requérantes et requérants envers ces Etats. Précision importante, les arrêts de la Cour sont déclaratoires, c’est-à-dire qu’ils rappellent les Etats à l’ordre en cas de condamnation, mais ils ne les sanctionnent pas.

La Roumanie mauvaise élève de l’Union en termes de respect des droits de l’Homme

Parmi les 27 Etats qui composent l’Union, la Roumanie est celui qui a fait l’objet du plus grand nombre de requêtes. 82 arrêts ont été rendus en 2020 et 64 d’entre eux pointaient au moins une violation d’un ou plusieurs articles de la Convention : droit à un procès équitable, droit à la vie privée, traitement inhumain et dégradants revenaient régulièrement. Sur la période 1959-2020, la Roumanie avait, toujours selon les statistiques de la Cour, violé 1393 fois les articles de la Convention.

L’un des arrêts remarquables concernant la Roumanie a été rendu le 15 octobre 2020. Deux ressortissants pakistanais qui résidaient en toute légalité sur le territoire avaient été expulsés en 2012. La Cour a tranché et affirme que « les garanties procédurales en cas d’expulsion d’étrangers » ont été violées. Amnesty international avait complété la décision de la Cour : « La Roumanie n’est hélas pas la seule à mener des audiences fondées sur des preuves tenues secrètes. Trop de gouvernements procèdent à des expulsions sur la base d’informations que ni les personnes concernées ni leurs avocats ne peuvent consulter ou dûment contester. Cette façon de faire comporte un risque élevé d’erreur judiciaire, voire de torture ou d’autres mauvais traitements si une personne est renvoyée dans un pays où elle est exposée à de tels risques. »

Dans l’Union, la Pologne, l’Italie et la Grèce ne sont pas en reste, avec respectivement 18, 14 et 28 arrêts établissant une ou plusieurs violations de la Convention. Sur la période 1959-2020, ces mêmes Etats – la Roumanie a signé la Convention au début des années 2000 – avaient violé 1007, 1857 et 935 fois la Convention.

Le cas français

En 2020, l’Etat français a été concerné par 16 arrêts de la Cour, dont 10 pointant des violations de la Convention : traitement inhumain et dégradant, droit à la liberté et à la liberté d’expression sont des exemples de violations contenues dans les décisions. Les autorités françaises ont violé à 759 reprises la Convention depuis 1959. Voici deux exemples d’affaires pour 2020 :

  • Affaire N.H et autres c. France. Les requérants sont cinq demandeurs d’asile qui estiment que l’Etat a violé l’article 3 de la Convention, qui interdit notamment la torture et les traitements inhumains et dégradants. Ceux-ci « affirment ne pas avoir pu bénéficier d’une prise en charge matérielle et financière, prévue par le droit national, et avoir, dès lors, été contraints de dormir dans la rue dans des conditions inhumaines et dégradantes pendant plusieurs mois». Une situation qui n’a rien d’exceptionnel. Verdict, violation effective de l’article 3.
  • Affaire Ayoub et autres c. France. L’affaire concerne notamment Serge Ayoub, un militant d’extrême-droite fondateur de l’association Troisième Voie, dont on avait beaucoup entendu parler au début des années 2010, lorsque Clément Méric, étudiant, était mort sous les coups de membres et sympathisants de cette association. L’association avait été dissoute et Serge Ayoub avait adressé à la Cour une requête pour défendre la liberté d’association et de réunion. Verdict, la Cour a déclaré que l’article 11 qui garantit ces droits, n’avait pas été violé.

Perspectives

Dans les premières pages de son rapport, la Cour a fait part de trois grands domaines dans lesquels elle allait être très sollicitée dans les prochaines années : les droits des femmes, des migrants et demandeurs d’asile, l’environnement. Trois thématiques émergentes qui vont s’ajouter aux quelques milliers de requêtes pendantes qui doivent être traitées par la Cour, comme le montre la carte ci-après.

 

Source des données : Rapport 2020 de la CEDH. Auteur : Léo Humbert

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Âgé de 23 ans, Léo est l’un des trois fondateurs de Causons d’Europe. Ayant obtenu une licence d’Histoire et un master de Relations Internationales, il est actuellement en service civique chez Radio Campus Angers. Son dada ? Causer d’Europe avec celles et ceux qui ne disposent pas de beaucoup d’informations à ce sujet, voire n’en disposent pas ! Passionné par la politique, le sport, l’Europe et le monde, les mouvements sociaux, la presse indépendante … Il répond toujours présent pour exprimer son avis, de préférence à l’encontre des discours consensuels, et il se rapproche des lectrices et lecteurs pour s’assurer de sensibiliser le public le plus large possible.