Ioánnis Lagós, député européen néonazi protégé par son immunité parlementaire4 minutes de lecture

Condamné en Grèce à treize ans et huit mois de prison ferme, le député européen Ioánnis Lagós (ex-Aube dorée) ne peut cependant pas être arrêté tant que son immunité parlementaire n’est pas levée. Deux députés communistes ont adressé le 19 janvier 2021 un courrier à David Sassoli, le président du Parlement européen, pour se plaindre de la lenteur du processus.

Ioánnis Lagós, 48 ans, est depuis octobre 2020 condamné à 13 ans et huit mois de prison ferme pour « direction et appartenance à une organisation criminelle ». L’eurodéputé, aujourd’hui indépendant, est un ancien membre du parti néonazi Aube dorée. Il l’a quitté en 2019 après la déroute aux élections législatives au cours de laquelle le parti avait perdu ses 18 sièges au Parlement national. Il a alors fondé un nouveau mouvement, La conscience populaire nationale. Pourtant, son passif au sein d’Aube dorée l’a poursuivi, même après son départ.

Le groupuscule a été créé en 1985. Il s’attaquait au début aux syndicalistes et militants de gauche, avant de trouver une nouvelle « proie » dans les années 2000, les immigrés. Il a profité de la crise grecque, pour faire surface sur la scène politique. En 2010, le président d’Aube dorée, Nikólaos Michaloliákos, entre au conseil municipal d’Athènes et y effectue un salut nazi. Il est un admirateur de la dictature des colonels (1967-1974), du national-socialisme et présente des discours négationnistes. Lors des élections législatives de mai 2012, le parti néonazi parvient à obtenir 21 députés au Parlement grec.

De multiples tentatives d’homicides

En octobre 2020, après cinq années de procès et plus de 400 audiences, l’Aube dorée a été condamnée. Au cours de l’enquête, de nombreux éléments nazis ont été retrouvés dans des appartements perquisitionnés : des portraits d’Hitler, des drapeaux de la Wehrmacht (armée du IIIe Reich), des enregistrements de membres chantant des hymnes nazis ou encore des vidéos de ratonnades contre des étrangers. Le slogan du parti est d’ailleurs « Sang, honneur, Aube dorée », une devise quasiment similaire à celle des Jeunesses hitlériennes : « Sang et honneur ».

Membres d’Aube dorée lors d’un rassemblement à Athènes en mars 2015. Photo : DTRocks (commons.wikimedia)

Le parti était jugé pour des tentatives d’homicides contre des pêcheurs égyptiens en 2012, des syndicalistes communistes en 2013, mais aussi pour l’assassinat du rappeur antifasciste Pávlos Fýssas le 18 septembre 2013. Il a été tué par Yórgos Roupakiás, un membre du parti. Six cadres et le président ont été condamnés pour « direction et appartenance à une organisation criminelle », alors que quarante-cinq membres ou députés ont été condamnés pour « appartenance » à une organisation criminelle. « C’est la première fois depuis le procès Nuremberg qu’un parti politique est accusé d’être une organisation criminelle dont les membres ont commis des actes violents » a déclaré Maître Chryssa Papadopoulou, qui représentait la famille Fýssas.

Parmi les cadres jugés, on retrouve donc Ioánnis Lagós. Pourtant, pour pouvoir être arrêté, son immunité parlementaire doit être levée. Deux députés du parti communiste grec (KKE), Konstantínos Papadákis et Leftéris Nikoláou-Alavános, ont envoyé le 19 janvier 2021, une lettre au chef du Parlement européen, David Sassoli, pour se plaindre des délais pour la levée de cette immunité. Ils ont déclaré : « Vous avez l’entière responsabilité politique de ce retard inacceptable de tant de mois ». En effet, la commission des affaires juridiques de l’Union européenne s’est réunie la semaine précédente mais le cas du Grec n’a pas été débattu. Cela fait donc trois mois que la sentence a été décidée et deux accusés sont toujours dans la nature. Chrístos Pappás, le numéro deux du parti, est introuvable et s’est sans doute enfui à l’étranger.

Ioánnis Lagós avait déjà fait parler de lui au Parlement européen. En janvier 2020, il avait déchiré un drapeau turc en proclamant « Dehors les Turcs » ce qui avait entraîné une vive réaction d’Ankara, qui avait dénoncé un geste raciste. En octobre dernier, le président du Groupe du Parti populaire européen (PPE) au Parlement (groupe auquel appartient Les Républicains ou Agir), Manfred Weber avait aussi réclamé des mesures à son encontre pour son « comportement insultant » contre une eurodéputé grecque (Ánna-Michelle Assimakopoúlou du parti Nouvelle Démocratie) et contre le porte-parole du PPE.

Aujourd’hui, l’eurodéputé peut profiter de sa liberté car sans levée d’immunité, il ne craint ni détention, ni extradition. Selon Adrián Vázquez Lázara, député espagnol président de la Commission des affaires juridiques au Parlement européen, la pandémie a entraîné des retards. Le processus pourrait donc prendre plusieurs semaines avant que Ioánnis Lagós ne soit renvoyé dans son pays pour y purger sa peine.

 

 

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Avec Léo et Tony, Paul a fondé Causons d’Europe. Il se définit pourtant comme le membre le moins actif du triumvirat. Âgé de 23 ans, il est étudiant en journalisme, et profite des articles qu’il rédige pour partager ses passions comme le sport ou la géopolitique. Il apprécie également mettre à l’honneur des pays ou des régions parfois méconnus du grand public.