Le Conseil de l’Europe pointe les mauvaises conditions de rétention des migrants en Grèce5 minutes de lecture

Dans un rapport rendu public le 19 novembre 2020, le Conseil de l’Europe, instance internationale de surveillance et protection des droits humains comptant 47 Etats, a appelé la Grèce à « réformer son système de rétention des migrants et mettre fin aux refoulements ». Des observations qui n’ont rien de surprenant, tant la Grèce cristallise toutes les failles de la politique migratoire de l’Union, en particulier depuis le pic d’arrivée de réfugiés de 2015.

Le contenu du rapport du Conseil de l’Europe

Le rapport en question a été réalisé par le Comité anti-torture du Conseil de l’Europe, à l’issue d’une série de visites à la mi-mars 2020. Deux régions concentrant d’importants flux de réfugiés et demandeurs d’asile ont été étudiées par le Comité : Evros, frontalière avec la Turquie ; et l’île de Samos, située à moins de cinq kilomètres de la côte ouest turque.

Les observations sur les conditions de détention – et non pas dans des structures d’accueil plus spécialisées – sont sans équivoque : promiscuité, manque de produits d’hygiène, forte concentration des demandeurs d’asile et des réfugiés dans des espaces clos et exigus, manque d’alimentation. La situation des mineurs non accompagnés, qui subissent les mêmes conditions de détention, préoccupe également le Comité.

Autre point souligné dans ce rapport, le comportement des autorités grecques vis-à-vis du traitement des réfugiés et demandeurs d’asile lors de leur arrivée sur le sol grec. Il est notamment question de maltraitance par les forces de l’ordre, voire de bateaux empêchés de débarquer sur les littoraux grecs.

La Grèce, terre de toutes les failles de la politique migratoire de l’Union

En dépit de ces allégations, le Comité anti-torture ne blâme pas la Grèce et nuance ses propos. Il reconnaît en effet « les défis importants auxquels les autorités grecques sont confrontées face au grand nombre de migrants entrant dans le pays et que cela nécessite une approche européenne coordonnée ». Et sur ce point, il y a beaucoup à dire. Quelques rappels.

La politique d’immigration et d’asile de l’Union repose principalement sur le Régime d’asile européen commun, le RAEC. Il s’agit d’un ensemble de textes indiquant normes et procédures à suivre par les Etats membres pour assurer la prise en charge des demandeurs d’asile. Et dans le RAEC, on trouve notamment le règlement Dublin III, adopté en juin 2013 et qui a beaucoup fait parler à la suite de l’arrivée massive de réfugiés en Europe à partir de 2015. Ce règlement prévoit que c’est l’Etat membre de première entrée, c’est-à-dire l’Etat où un demandeur d’asile va arriver en premier, qui doit examiner sa demande d’asile.

Mais ce mécanisme a été absolument inefficace pour traiter convenablement toutes les demandes d’asiles et le phénomène d’immigration illégale qui ont explosé en 2015, avant de nettement ralentir. L’Italie et la Grèce se sont retrouvées confrontées à un triple problème : un manque de moyens de prise en charge, des arrivées nombreuses en très peu de temps, l’absence totale de cohésion et de solidarité européenne pour répartir les demandeurs d’asile et les réfugiés. Une situation inédite qui permet de nourrir depuis des mois des rapports tirant sur la sonnette d’alarme.

Les nouvelles ambitions de la Commission européenne

Après des années passées à tâtonner en matière de politique migratoire, la Commission européenne a fait part de ses ambitions de réforme, en présentant, le 23 septembre 2020, un « nouveau pacte européen sur la migration et l’asile ». La tâche ne sera pas mince, au vu des dissentions qui existent entre les Etats membres au sujet de l’accueil des migrants, à l’instar de l’Autriche et de la Hongrie.

Ce nouveau pacte envisage plusieurs réformes. D’abord, un renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l’Union. On peut donc s’attendre à ce que les effectifs et moyens financiers de l’agence européenne FRONTEX soient augmentés. Il prévoit également d’accélérer le traitement des demandes d’asile qui ont peu de chances d’aboutir. Mais surtout, le principe du règlement Dublin III évoqué plus haut serait modifié en profondeur, afin de répartir entre tous les Etats membres l’examen des demandes d’asile. Ce nouveau mécanisme permettrait de soulager les pays du Sud de l’Europe, en particulier l’Italie et la Grèce et ouvre la voie à de meilleures conditions d’accueil. Enfin, un mécanisme de solidarité, déterminant le nombre de migrants qu’un Etat devra prendre en charge -en fonction de son poids économique-, sera proposé.

Consciente des failles dans sa politique d’immigration et d’asile, l’Union semble prête à sauter le pas et développer des conditions d’accueil en adéquation avec les valeurs inscrites dans les traités européens, parmi lesquelles la dignité humaine, la solidarité et le respect des droits de l’Homme. Soyons toutefois vigilants, car l’Union n’est pas maître de son destin sur ce terrain. Il faudra également composer avec la Turquie, qui « retient » plusieurs millions de migrants en échange de fonds européens. Le président turc Recep Tayyip Erdogan l’a déjà montré, en février dernier, il est prêt à instrumentaliser ces vies humaines pour protéger ses intérêts. Rappelons toutefois que l’Union, en 2016, a conclu un accord avec les autorités turques, qui prévoit le renvoi des migrants arrivés de façon irrégulière en Europe, faute de pouvoir les prendre en charge.

Plus de publications

Âgé de 23 ans, Léo est l’un des trois fondateurs de Causons d’Europe. Ayant obtenu une licence d’Histoire et un master de Relations Internationales, il est actuellement en service civique chez Radio Campus Angers. Son dada ? Causer d’Europe avec celles et ceux qui ne disposent pas de beaucoup d’informations à ce sujet, voire n’en disposent pas ! Passionné par la politique, le sport, l’Europe et le monde, les mouvements sociaux, la presse indépendante … Il répond toujours présent pour exprimer son avis, de préférence à l’encontre des discours consensuels, et il se rapproche des lectrices et lecteurs pour s’assurer de sensibiliser le public le plus large possible.