L’Union et la Chine #1 : La voix discrète de la diplomatie européenne5 minutes de lecture
On sait quelle est la position des États-Unis envers la Chine, la position de la Chine envers les États-Unis, celle de l’Europe envers les États-Unis… Bref, vous avez compris. Mais quelle est la position de l’Europe envers la Chine, si position il y a ? L’Europe peut-elle même se permettre d’avoir une opinion propre à défendre ? Nous avons quelques pistes de réponse à vous proposer. À vos lectures !
De géant à néant, il n’y a qu’un « n »…
On sentait déjà le vent venir en 2009. La Chine revendique alors, auprès de l’ONU, posséder une zone maritime de 2 millions de kilomètres carrés, îles comprises, en mer de Chine. Elle outrepasse ainsi largement les limites définies par la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer. Suite logique ? Le monde de la diplomatie est animé d’une bataille à coups de notes diplomatiques. La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni envoient leur propre note, en simultané, à l’ONU, le 16 septembre 2020. Les trois puissances européennes (quid du Brexit ?) affichent une position commune : leur désaccord avec les notes de la Chine. L’envoi de ces trois notes rend compte de l’importance de la mer de Chine pour les trois pays. Mais l’Europe, que dit-elle ? Dans un contexte de tensions croissantes entre les États-Unis et la Chine, on croit revivre les prémices de la Guerre Froide, deux géants sur le côté, un petit au milieu …
La diplomatie européenne face à la puissance chinoise
En 2016, l’ambassadrice chinoise à l’Union européenne, Yang Yanyi, demande à l’UE de ne pas interférer dans le conflit en mer de Chine. Loin de rétorquer, l’UE maintient son registre classique, prônant une solution diplomatique et pacifique audit conflit. Et l’on se demande bien comment elle pourrait aller au-delà, quand la Chine est, depuis 2020, son premier partenaire commercial.
Parmi les membres de l’UE, la France a tenté une prise de position. Le 27 août 2019, E. Macron, Président de la République française, a exprimé le souhait de montrer plus fermement le désaccord européen envers les pratiques chinoises. Il évoquait notamment l’expansionnisme chinois. Mais il a tout à la fois exprimé le souhait de mettre en œuvre un axe indo-pacifique : l’ambiguïté règne en maître.
Reste que cette ambiguïté française vaut mieux que le néant européen. L’UE ne peut se permettre de hausser le ton quant à la situation en mer de Chine. Le droit de la mer est un pilier de la mondialisation, qui permet à l’UE de se maintenir à flots économiquement. Et comment l’Europe pourrait-elle montrer Pékin du doigt, quand la Roumanie s’est également rendue coupable de revendications maritimes excessives, dans le cadre du litige roumano-ukrainien ?
Économie : 1 – Droits de l’homme : moins
E. Macron adresse un courrier aux parlementaires français le 6 septembre 2020. Il y dénonce les « pratiques inacceptables » imputables à la Chine vis-à-vis du peuple ouïghour. Il s’agit des musulmans résidant dans le Xinjiang, une région à l’Ouest toute de la Chine. Ce courrier fait office de réponse à un appel des parlementaires au Ministre des affaires étrangères, en juillet 2020, après qu’un journal français ait posé en Une un titre pour le moins éloquent : « Ouïghours. Génocide en cours ». Certes, diplomatie déclaratoire, effet explosif, la sixième puissance économique mondiale donne son avis.
Mais c’en resta là ! Nouvel épisode : février 2021, une entrevue au sommet est organisée entre E. Macron et Xi Jinping, Président de la Chine. Au menu ? Les relations économiques entre les deux pays et la situation de la Birmanie… Et l’Élysée, quelques jours après, s’est sentie obligée de préciser que le cas des Ouïghours avait été abordé. Oui : le « cas » des ouïghours, et non « les traitements inhumains infligés à une population en raison de son opinion religieuse ». C’aurait été trop long.
Lire aussi : Commerce et investissements, le réveil des Vingt-Sept ?
Le Parlement européen à la manœuvre
L’Europe n’a pas fait mieux ! En décembre 2019, le Parlement européen adopte une proposition de résolution sur la situation des Ouïghours, appelant le Conseil à adopter des sanctions envers la Chine.
Un an après, statu quo. D’où l’adoption par le Parlement européen, le 17 décembre 2020, d’un paquet de résolutions lié aux droits de l’homme et à leur nécessaire respect et protection. L’une des résolutions avait pour but que la Chine mette fin aux dispositifs de travail forcé et aux incarcérations des minorités ethniques, notamment les Ouïghours. Le Parlement « condamne », « dénonce », est « préoccupé », « déplore ». Mais il n’oblige pas, encore moins quand le destinataire de son adresse est la Chine, géant mondial non membre de l’UE. Raphaël Glucksmann, député européen porteur de cette résolution, a précisé que cette dernière était « un premier pas », et non une victoire… Affaire à suivre ?
L’Europe se réveille ?
Et la suite est déjà là ! Le 22 mars 2021, le Conseil de l’Union européenne impose des sanctions à une entité et quatre individus chinois. Leur caractéristique commune étant l’implication dans les atteintes aux droits humains, relativement à la minorité Ouïghour. Pour Pierre Haski, s’exprimant sur France Inter, il s’agit des premières sanctions de l’UE envers la Chine depuis les évènements de Tienanmen, en 1989.
La Chine réplique. Quatres entités et dix individus européens sont sanctionnés à leur tour. Parmi eux, R. Glucksmann, fier d’être la cible de cette attaque. Ces sanctions concernent également la Sous-commission aux droits de l’Homme du Parlement européen, ou la fondation danoise Alliance for Democracies.
Nuançons l’importance diplomatique desdites sanctions. En 1989, l’UE décrète un embargo sur les armes, en réponse à la répression de manifestations pacifiques par les autorités chinoises. En 2021, une population est torturée du fait de son orientation religieuse, et l’UE met en place une interdiction de visas et un gel des avoirs… Deux poids, deux mesures.
Diplômée d’une licence d’Histoire et d’un master de Relations Internationales (au cours duquel elle a malheureusement rencontré Léo, membre éminent du triumvirat fondateur de Causons d’Europe), elle est aujourd’hui Officier de protection instructeur à l’Ofpra. Elle profite de son temps libre pour prendre la plume et fouiller les recoins des sujets d’actualité qui l’intéressent … Et aime un peu trop s’écarter du politiquement correct !