Vers la dépénalisation du cannabis en Norvège4 minutes de lecture

Les parlementaires norvégiens planchent sur la dépénalisation d’une dizaine de drogues. Le pays rejoindrait ainsi le club très fermé des pays européens aux législations encadrant la consommation de drogues plutôt que la pénalisant.

Privilégier le dialogue à la répression

Les députés norvégiens travaillent sur le texte depuis le 16 mars. Il faut dire que les transformations envisagées sont de taille. Le projet de loi prévoit en effet la fin des condamnations et des amendes pour achat, possession et usage de certaines drogues. Par exemple, la cocaïne, l’héroïne, certaines amphétamines et surtout le cannabis. Un entretien obligatoire avec un spécialiste prendrait le relais. Evidemment, les doses autorisées sont faibles : une dose de LSD, 0.5 gramme de MDMA (principe actif de l’ecstasy), 20 grammes de cannabis. De plus, une arrestation est toujours possible en cas de possession de trois substances différentes. L’une des motivations est sans doute le nombre élevé d’overdoses par rapport à la population. En moyenne, 267 personnes meurent chaque année d’overdose en Norvège. Un chiffre parmi les plus élevés en Europe.

Insistons sur la nuance, car dépénaliser n’est pas légaliser. Par ailleurs, certains parlementaires restent réservés sur ce projet de loi. Il ne garantit pas une meilleure prise en charge des toxicomanes. Une étude a par ailleurs montré que la dépénalisation pousserait les jeunes à la consommation. A ce titre, des élus demandent une dépénalisation uniquement à destination des personnes addictes.

Le cannabis, drogue phare en Europe

Etat des lieux

L’herbe et la résine de cannabis constituent les substances les plus consommées sur le vieux continent. 25 millions des personnes âgées de 15 à 64 ans consomment au moins une fois du cannabis dans l’année, 18 millions parmi les 15 à 34 ans. Au cours de leur vie, 90 millions des Européens consomment au moins une fois du cannabis.

Les différences de législation entre les Vingt-Sept sont importantes et distinguent la consommation et la possession de cannabis, comme le montrent ces cartes.

L’Europe est globalement tolérante vis-à-vis de la consommation de cannabis. Seule une poignée d’Etat envisage toujours l’incarcération pour ce motif : les pays Nordiques, l’Estonie, la France, la Hongrie, la Grèce et la Turquie voisine.


En revanche, la possession de cannabis est nettement plus réprimée.

Des législations en permanente évolution

Par ailleurs, le débat autour de la dépénalisation du cannabis produit depuis 2000 d’importantes modifications dans les législations nationales.

  • Réduction de la peine maximale de prison : Finlande, Royaume-Uni, Grèce, République Tchèque
  • Remplacement de la peine de prison par des peines mineures : Portugal, Luxembourg, Belgique, Slovénie, Croatie, Malte
  • Affaires classées sans suite si mineures : Autriche, Pologne

Les citoyennes et citoyens s’investissent régulièrement pour faire évoluer les textes de loi. Toutefois cela fonctionne rarement. La Commission avait envisagé une politique commune de régulation de la production, de la vente et de l’usage du cannabis. Mais la pétition n’a pas abouti, faute de soutien. Au Royaume-Uni, le Parlement a rejeté une pétition demandant la légalisation de la production, la vente et l’usage de cannabis.

Les exceptions portugaise et néerlandaise

Le Portugal a tourné la page de la pénalisation en 2001, pour un résultat édifiant. Dans les années 1970, le pays était une plaque tournante du trafic de drogues et 1 % de la population était accro à l’héroïne à la fin des années 1990. De plus, le SIDA faisait des ravages. Vingt ans plus tard, le taux de décès lié à la consommation de drogue est cinq fois inférieur à la moyenne européenne ; celui d’infection au VIH a été divisé par 18 en un peu plus de dix ans.

Aux Pays-Bas, l’Etat teste depuis 2019 sa propre production de cannabis dans dix villes. Avant de passer à une production nationale ? Les élus locaux pilotent le projet : sélection de producteurs compétents puis autorisation de culture et enfin, distribution dans les coffeeshops. Le prix de vente est inférieur à celui pratiqué par les dealers.

En revanche, pas question de faire profiter l’Europe entière de ce test. La municipalité d’Amsterdam songe à limiter l’accès aux coffeeshops aux touristes. Les 17 millions d’étrangers venant s’approvisionner aux Pays-Bas pèse forcément dans la balance. Priver les touristes de ces lieux particuliers aurait par ailleurs un impact limité sur l’économie.

Et en France ?

Les autorités françaises restent sur leur ligne répressive. Ce modèle semble aujourd’hui dépassé. 44,8 % des Français âgés de 15 à 64 ans ont déjà consommé du cannabis et 21,8 % des 15-34 ans en consomment dans l’année. Ce sont les chiffres les plus élevés en Europe, où la moyenne est respectivement de 27,2 % et 15 %. Pas question de légaliser « cette merde », selon les mots du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.

Quelques boutiques parisiennes commercialisent aujourd’hui le cannabis contenant du CBD, un agent relaxant venant du chanvre, en toute légalité. La Cour de Justice de l’UE s’est récemment prononcée en faveur de cette commercialisation. Une petite avancée qui ouvre des réflexions dans un des pays les plus répressifs en la matière. Et où les consommatrices et consommateurs de cannabis sont les plus nombreux.

Plus de publications

Âgé de 23 ans, Léo est l’un des trois fondateurs de Causons d’Europe. Ayant obtenu une licence d’Histoire et un master de Relations Internationales, il est actuellement en service civique chez Radio Campus Angers. Son dada ? Causer d’Europe avec celles et ceux qui ne disposent pas de beaucoup d’informations à ce sujet, voire n’en disposent pas ! Passionné par la politique, le sport, l’Europe et le monde, les mouvements sociaux, la presse indépendante … Il répond toujours présent pour exprimer son avis, de préférence à l’encontre des discours consensuels, et il se rapproche des lectrices et lecteurs pour s’assurer de sensibiliser le public le plus large possible.