Les indépendantistes catalans perdent leur immunité parlementaire4 minutes de lecture

Mardi 9 mars, les députés européens ont levé l’immunité parlementaire de trois de leurs collègues catalans, Toni Comín, Clara Ponsatí et Carles Puigdemont. Ce dernier, ancien président de la généralité de Catalogne, n’a reçu que 248 votes contre la levée de son immunité, contre 400 votes pour. 45 députés se sont abstenus de voter. Les trois députés conservent cependant leurs sièges.

Cette décision ouvre une potentielle voie pour une extradition vers l’Espagne. Ils sont tous les trois poursuivis pour « sédition ». Les deux hommes sont aussi accusés de « détournements de fonds publics ». On leur reproche des faits datant de 2017, au moment où ils dirigeaient la Catalogne. Ils avaient organisé un référendum d’indépendance, alors que Madrid l’avait interdit. Les autorités belges étudieront les mandats d’arrêts pour les cas de Toni Comín et Carles Puigdemont, réfugiés en Belgique après leur fuite de Catalogne. Les autorités écossaises s’occuperont du cas de Clara Ponsatí car elle y séjournait.

« Un jour triste pour le Parlement européen »

Carles Puigdemont a parlé d’un « jour triste pour le Parlement européen ». De son côté, la ministre espagnole des Affaires étrangères, Arancha González Laya, s’est réjouie. Pour elle, ce vote démontre que « les problèmes de la Catalogne se résolvent en Espagne, ils ne se résolvent pas en Europe ». Le gouvernement espagnol du socialiste Pedro Sánchez et l’opposition de droite avaient en effet donné une consigne de vote aux trois grands groupes du Parlement européen. A savoir, les conservateurs du Parti populaire européen ; les socio-démocrates de S&D et enfin les libéraux de Renew.

Les Verts/Alliance libre européenne et la Gauche radicale européenne ont quant à eux voté contre la levée de l’immunité. Le positionnement de Podemos, la gauche radicale espagnole, a d’ailleurs fait parler, d’autant qu’ils sont alliés aux socialistes dans le gouvernement de coalition. Quelques jours plus tard, le 15 mars, le chef du parti, Pablo Iglesias, quittait le gouvernement espagnol pour se préparer aux élections régionales à Madrid.

Un long processus avant une possible extradition

L’extradition des trois membres du Parlement prendra vraisemblablement du temps. Carles Puigdemont songe à faire appel devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). La procédure est longue, la demande de Madrid devra attendre. Les tribunaux belges ne sont d’ailleurs pas non plus obligés de suivre les desiderata ibériques. En janvier, ils avaient refusé un mandat d’arrêt visant un ancien politicien indépendantiste, Lluis Puig. Ils plaidaient alors un « risque sérieux de violation » de son « droit à un procès équitable » en Espagne.

Une partie des leaders indépendantistes avaient fait le choix de rester sur place en 2017. C’est le cas par exemple d’Oriol Junqueras, ancien vice-président du gouvernement régional, ou Carme Forcadell, ancienne présidente du Parlement catalan. En tout, neuf condamnations à des peines allant de 9 à 13 ans de prison. L’administration pénitentiaire de Catalogne leur avait permis un régime de semi-liberté. Ils pouvaient ainsi retourner chez eux le week-end. Plusieurs avaient aussi des autorisations de sortie quotidienne pour travailler ou pour des activités bénévoles. La justice espagnole a cependant révoqué le 4 décembre ces autorisations. Oriol Junqueras avait lui-même été élu député européen en 2019. Pourtant, après sa condamnation à 13 ans de prison, le Parlement européen l’avait déchu de ses droits en janvier 2020.

L’inévitable question de l’indépendance

En Catalogne, des rassemblements ont eu lieu pour protester contre la levée de l’immunité de leurs députés européens. Le sentiment indépendantiste est plus que jamais présent. La région a connu il y a quelques semaines ses élections régionales. Même si le candidat du Premier ministre espagnol, Salvador Illa  est arrivé en tête, il ne fait pas le poids face aux opposants régionaux. Il possède 33 sièges sur 135, face aux 74 des indépendantistes, si on les rassemble :

  • 33 sièges pour ERC (Gauche Républicaine de Catalogne)
  • 32 pour Junts per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne), parti de centre-droit
  • 9 pour la CUP (Candidature d’unité populaire), parti d’extrême-gauche

La présidence de la généralité devrait sans doute revenir dans les prochains jours à Pere Aragonès, issu d’ERC, le parti toujours dirigé par Oriol Junqueras. En contrepartie, la présidente du parlement régionale est issue de Junts, parti présidé par Carles Puigdemont. Laura Borras a ainsi été élue le 12 mars face à sa rivale socialiste. C’est une proche de l’ancien président exilé et malgré les problèmes judiciaires, elle a réaffirmé une tendance claire : « La législature qui s’ouvre doit marquer un point d’inflexion sur le chemin vers l’indépendance de la Catalogne car c’est ce que veulent et ont décidé plus de la moitié de nos concitoyens ».

Les indépendantistes catalans ne semblent donc pas découragés par les différentes sanctions envers leurs leaders. Soutenus par une grande partie de la population, ils continuent à défier Madrid et leur combat n’est pas prêt de s’arrêter.

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Avec Léo et Tony, Paul a fondé Causons d’Europe. Il se définit pourtant comme le membre le moins actif du triumvirat. Âgé de 23 ans, il est étudiant en journalisme, et profite des articles qu’il rédige pour partager ses passions comme le sport ou la géopolitique. Il apprécie également mettre à l’honneur des pays ou des régions parfois méconnus du grand public.