Vers la résurgence d’un parti politique à tendance fasciste en Finlande ?4 minutes de lecture

Le parti nationaliste d’extrême-droite finlandaise Vrais Finlandais (PS) a vu certains de ses membres quitter les rangs du parti pour créer une association de « bleus-noirs », Sinimusta. Objectif, rassembler 5 000 membres pour former un parti politique. Le groupe est aujourd’hui très minoritaire, mais doit être pris au sérieux.

Une association qui s’inspire de l’extrême-droite des années 1930

L’association Sinimusta est en effet en cours d’enregistrement dans le registre des associations finlandaises. Le patron du PS, Jussi Halla-Aho, estime que ce départ de quelques militantes et militants ne devrait pas fragiliser les Vrais Finlandais, mais ce n’est pas cela qui inquiète.

Sinimusta, littéralement « bleu-noir », comme le rapporte Euractiv, est une référence directe à un mouvement d’extrême-droite très virulent qui s’était développé dans les années 1930 en Finlande. Il s’était rapproché du parti fasciste, avant son interdiction après la Seconde Guerre mondiale. Pour Jean-Jacques Fol, auteur de l’ouvrage Les Pays nordiques aux XIXe et XXe siècles, le mouvement fasciste était trop violent et trop raciste pour espérer se faire une place dans le paysage politique et sociétal dans la Finlande de l’entre-deux-guerres. Et ce, dans un contexte où l’extrême-droite agissait déjà par des enlèvements de personnalités politiques et l’assassinat de militants de gauche. La mouvance fasciste était très marquée par son attachement à la pureté de la « race finlandaise », son anticommunisme et ses attaques envers la minorité suédoise de Finlande. En 1936, il a d’ailleurs organisé des manifestations de soutien à l’Allemagne nazie.

Qui sont les Vrais Finlandais ?

Les Vrais Finlandais sont en revanche bien mieux ancrés dans le paysage politique. Leurs programmes relèvent du classique de l’extrême-droite européenne : promotion de la culture finlandaise, notamment à l’école ; stopper la propagande multiculturelle et l’immigration incontrôlée ; préserver les fêtes de Noël et les églises. A l’image des partis semblables en Europe, son programme européen s’oppose à l’Europe en tant que construction fédérale – c’est-à-dire de prise de décision en commun dans de nombreux domaines -, mais le PS souhaite quitter la zone euro. Un point de divergence depuis peu, avec les idées du Rassemblement National en France. En revanche, notons un point commun avec le RN, à savoir, un verdissement des idées. Le PS propose une politique environnementale et s’intéresse même au bien-être animal. Un verdissement d’apparence qui ne doit toutefois pas faire oublier les principales thématiques d’extrême-droite.

Une fois au pouvoir, cela donne quoi ? Les Vrais Finlandais occupaient des postes au gouvernement aux côtés des centristes majoritaires, en 2015. Une entente politique qui n’a duré que deux ans. En cause, l’élection à la tête du PS de l’actuel président Jussi Halla-Aho, beaucoup plus radical que le fondateur du parti, Timo Soini. Halla-Aho a d’ailleurs été condamné pour incitation à la haine raciale. Lauri Karvonen, politologue, analysait dans Le Monde que le PS était alors devenu « un parti extrémiste, xénophobe et nationaliste ». Les centristes, majoritaires, ne souhaitaient dès lors plus gouverner avec le PS. Ce dernier, une fois au pouvoir, n’avait d’ailleurs pas appliqué ses propositions. Pour autant, s’il a un temps souffert de l’arrivée de Halla-Aho à sa tête, le parti Vrais Finlandais a réalisé le deuxième score lors des élections législatives de 2019, se plaçant derrière les sociaux-démocrates, mais devant le Premier ministre centriste sortant.

L’extrême-droite sur les campus : l’exemple de l’université de Tampere

A moindre échelle, les franges les plus radicales de l’extrême-droite agissent à des échelons politiques inférieurs. Aux élections du conseil administratif de l’université de Tampere, une ville du Sud du pays, le candidat Seppo Letho s’était présenté : un ultra-nationaliste finlandais au salut nazi totalement décomplexé – sur sa chaîne YouTube comme dans l’espace public – et condamné à de multiples reprises pour avoir reproduit ce geste au Parlement finlandais en 2013, mais aussi pour incitation à la haine.

Sur la page Facebook de sa candidature, qui comptait, à l’heure où nous écrivons, une cinquante d’abonnés, on retrouve les couleurs bleue et noire de Sinimusta, des messages hostiles au « marxisme rouge-vert » et Pepe, une grenouille tirée de bandes dessinées que l’extrême-droite s’est appropriée. Sur un blog de la même mouvance dans lequel il contribue ou figure, on trouve également des billets défendant la fermeture des frontières mais, plus inquiétant, des  propos craignant la destruction de l’identité finlandaise et de l’avenir blanc et parlant de « terreur de l’islam ».

Seppo Letho a finalement été exclu du scrutin à l’issue du vote. Une mesure nécessaire mais qui ne résout pas le fond du problème. En septembre 2020, la Justice finlandaise avait interdit une organisation néo-nazie. Cette hypothèse pourrait tout à fait se retrouver dans le cas de Sinimusta. Cette fois encore, c’est un début mais le problème de ces organisations est plus profond. Rappelons que Jussi Halla-Aho était parti d’un forum et d’un blog sur Internet et il a fini par prendre la tête des Vrais Finlandais. Il ne s’agirait pas que d’autres individus suivent son chemin.

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Âgé de 23 ans, Léo est l’un des trois fondateurs de Causons d’Europe. Ayant obtenu une licence d’Histoire et un master de Relations Internationales, il est actuellement en service civique chez Radio Campus Angers. Son dada ? Causer d’Europe avec celles et ceux qui ne disposent pas de beaucoup d’informations à ce sujet, voire n’en disposent pas ! Passionné par la politique, le sport, l’Europe et le monde, les mouvements sociaux, la presse indépendante … Il répond toujours présent pour exprimer son avis, de préférence à l’encontre des discours consensuels, et il se rapproche des lectrices et lecteurs pour s’assurer de sensibiliser le public le plus large possible.