Nouvel épisode de tensions entre l’Ukraine et la Russie5 minutes de lecture

L’Union a fort affaire avec la Russie en ce moment. D’un côté, essayer d’assister Alexeï Navalny, opposant politique à Vladimir Poutine, emprisonné et en mauvaise santé. De l’autre, l’arrivée puis le retrait de troupes – 100 000 hommes – et de matériel militaire russes à la frontière avec l’Ukraine. Cet épisode s’inscrit dans la continuité historique d’un pays fracturé en deux, entre influence européenne et russe.

Entre Europe et Russie

L’Ouest ukrainien a toujours été plus ou moins lié à l’Europe, au gré des dominations successives, tandis que l’Est a toujours intéressé la Russie pour des raisons stratégiques et d’identité. La Crimée, berceau de la civilisation russe et l’Ukraine, grenier à blé, d’ailleurs intégrée à l’URSS en 1922.

En 1991, alors que l’URSS se disloque, l’Ukraine retrouve son indépendance. Dans les années qui suivent, la Fédération de Russie n’en démord pas et tente de maintenir son influence dans les ex-républiques qu’elle dominait. Mais en Europe, la mayonnaise ne prend pas. En 2004, 8 pays d’Europe de l’Est intègrent l’Union européenne. La même année, en Ukraine, la révolution orange met le président Viktor Ianoukovitch à la porte, au profit d’un autre Viktor, Iouchtchenko, plus libéral et pro-occidental.

Mais un changement de pouvoir en place ne modifie pas la constitution d’un pays. Environ 20% de la population ukrainienne est d’origine russe et l’Est du pays demeure largement russophone. La Russie dispose par ailleurs d’un levier de pression important, à savoir le gaz, puisque 60% du gaz consommé dans le pays vient de Russie. Celle-ci avait coupé le gaz en janvier 2006, sur fonds de désaccords commerciaux.

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2013, retour de la guerre

Une nouvelle bascule se produit en novembre 2013. Ianoukovitch, revenu au pouvoir, stoppe les négociations avec l’Union qui visaient à établir un partenariat oriental, chose que l’Union met en place avec d’autres pays tels la Géorgie, l’Arménie ou l’Azerbaïdjan. Les europhiles se soulèvent, notamment sur la place Maïdan à Kiev, la capitale, l’interprétant comme une trahison. La contestation s’étend à l’ensemble du pays.

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Mais tout le monde ne proteste pas contre Ianoukovitch, d’ailleurs remplacé par un gouvernement de transition. A l’Est de l’Ukraine, dans la région du Donbass, les populations plus attachées à la Russie qu’à l’Europe se soulèvent à leur tour, en opposition aux manifestants de la place Maïdan et leurs soutiens. La Crimée, région très majoritairement russophone à large façade maritime sur la mer Noire, organise un référendum de rattachement à la Russie, tandis que Moscou appuie les séparatistes du Donbass et s’installe dans la région.

Les protestations et sanctions européennes, notamment les accords de Minsk, ne changeront pas le cours des choses. Ces accords ont été négociés par la France, l’Allemagne, l’Ukraine et la Russie pour élaborer un plan de paix. Oui l’Union n’a cessé de clamer qu’elle ne reconnaitrait pas l’annexion de la Crimée, ce n’est pas pour autant que Vladimir Poutine a renoncé à relier la Russie à la Crimée par la construction d’un pont de plusieurs kilomètres.

Le conflit a fini par baisser en intensité, même si l’Est ukrainien est toujours instable. Le bilan de ces huit ans de contestations ou conflits est important : 13 000 morts, 1.4 million de déplacés et 3.4 millions de personnes dépendant de l’aide humanitaire selon les chiffres du Parlement européen.

La diplomatie européenne à l’œuvre

Alors comment réagi la diplomatie européenne face à cette nouvelle montée des tensions ? Des appels évidents à la désescalade, mais bon, difficile de négocier avec la Russie de Vladimir Poutine. Surtout que pour le moment, elle explique qu’elle pratique des exercices militaires. Elle a par ailleurs annoncé la suspension entre le 24 avril et le 31 octobre du passage dans ses eaux territoriales de navires militaires et étatiques étrangers. Bon, les mouvements de troupes n’ont rien d’illégaux mais c’est tout de même rarement de bonne augure.

L’Union et l’Ukraine se placent pour le moment dans une posture de prudence, prônant des sanctions raisonnables pour ne pas provoquer un incident majeur – un cassus belli dans le jargon – et ainsi donner un motif à la Russie de réenclencher un conflit ouvert. Des réactions nationales sont également à relever. La République Tchèque a récemment renvoyé 18 diplomates russes, soupçonnés d’espionnage. Emmanuel Macron a lui reçu le président ukrainien Volodymyr Zelensky. En revanche, le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba, demande de nouvelles sanctions ciblant davantage des secteurs économiques que des personnes.

Les troupes russes se sont finalement retirées le 23 avril dernier. Les autorités avançaient des exercices militaires. Mais comment ne pas douter de cette version ? En effet, dans le même temps, Vladimir Poutine prononçait deux jours plus tôt son discours annuel. Il y avertissait l’Occident, qui ne devait pas franchir une ligne rouge inconnue car définie par la seule Russie. Exercice ou pas, cette escalade montre que la tension dans l’Est ukrainien n’est pas prête de descendre. Les Vingt-Sept sont avertis, ils doivent s’affirmer dans les conflits, qui plus est à leurs frontières. Là où l’Union a si souvent échoué à se poser comme une puissance de premier plan.

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Âgé de 23 ans, Léo est l’un des trois fondateurs de Causons d’Europe. Ayant obtenu une licence d’Histoire et un master de Relations Internationales, il est actuellement en service civique chez Radio Campus Angers. Son dada ? Causer d’Europe avec celles et ceux qui ne disposent pas de beaucoup d’informations à ce sujet, voire n’en disposent pas ! Passionné par la politique, le sport, l’Europe et le monde, les mouvements sociaux, la presse indépendante … Il répond toujours présent pour exprimer son avis, de préférence à l’encontre des discours consensuels, et il se rapproche des lectrices et lecteurs pour s’assurer de sensibiliser le public le plus large possible.