Climat : La France en sursis5 minutes de lecture

Le mercredi 10 janvier, le gouvernement français a examiné le projet de loi sur le climat émanant de la concertation mise en place dans le cadre de la Convention Citoyenne pour le Climat. Ce dernier peut alors saisir une chance de reprendre des points dans la lutte face au réchauffement climatique, inaction pour laquelle l’Etat a été condamné par le tribunal administratif de Paris.

Non-respect des engagements climatiques 

Dans un article du 27 novembre, nous évoquions déjà les mauvais résultats de la France dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le mercredi 3 février 2021, le tribunal administratif a rendu un jugement dans lequel il reconnaît l’Etat français coupable d’inaction dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ce procès, aussi appelé « L’affaire du siècle », a été intenté au mois de décembre 2018 par 4 associations dans le but de contraindre l’Etat à respecter ses engagements pris lors des Accords de Paris en 2015.

Le jugement est avant tout symbolique, l’Etat étant condamné à verser l’euro symbolique à chacune des 4 associations. Le tribunal administratif justifie son jugement en avançant des « carences fautives de l’Etat à mettre en œuvre des politiques publiques lui permettant d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu’il s’est fixés ». La juridiction laisse encore l’audience ouverte pendant 2 mois, le temps pour elle de définir les injonctions qu’elle transmettra à l’Etat pour respecter les engagements. Le juge qui explique au politique comment respecter ses engagements écologiques, un débat qui animera tant les rédactions que les lieux de pouvoir dans les semaines à venir.

L’Etat, quant à lui, a pris acte de sa condamnation et a d’ores-et-déjà répondu au tribunal administratif de Paris en énumérant les actions qui pourront remettre la France sur les rails de ses engagements : loi d’orientation des mobilités (loi LOM) pour décarboner le secteur des transports, loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, loi Énergie-climat pour accélérer la décarbonation du mix énergétique, le plan de relance qui prévoit 30 milliards d’euros pour le verdissement de l’économie française…

La France déjà avertie au niveau européen

La France, en tant que pays membre de l’Union Européenne, s’est engagée à respecter différentes directives inscrites dans la législation européenne. Face au non-respect de ces directives, la Commission européenne a le pouvoir de rappeler à l’ordre les pays contrevenants à la législation par des avis motivés et des lettres de mise en demeure, et peut en dernier recours saisir la Cour de justice européenne (CJUE) afin que des sanctions soient prises. Les infractions sont analysées à intervalle régulier par la Commission européenne.

Ainsi, au cours de l’année 2020, la France fait l’objet de 17 infractions (et 4 supplémentaires classées sans suite) à la législation européenne, rien qu’en matière d’environnement. En s’arrêtant sur les principales décisions en matière d’infraction de la Commission européenne du mois de décembre 2020, la France y est avertie à deux reprises : un avis motivé pour « manquement de la France aux obligations de la directive “oiseaux“ concernant la tourterelle des bois », et une lettre de mise en demeure priant la France « d’exécuter l’arrêt de la Cour de justice sur la qualité de l’air dans les grandes villes » (faisant référence à l’arrêt C-636/18 du 29 octobre 2019). Rappelons que le 30 octobre 2020, la Commission européenne avait déjà annoncé la saisine de la CJUE contre la France pour non-respect de son obligation de protection des citoyens contre la mauvaise qualité de l’air.

Tant au niveau national qu’au niveau européen, la France est acculée par de multiples condamnations, sanctions et avertissements la poussant à faire plus en matière d’écologie. Et à l’heure où le gouvernement français se félicite de la baisse d’1,7 % des émissions de gaz à effet de serre en 2019 (par rapport aux engagements modifiés en 2020), de nouvelles mesures sont attendues de la part de la justice française, de l’exécutif européen, mais également par les citoyens français.

Le projet de loi Climat et Résilience

Issu de la Convention Citoyenne pour le Climat, ce projet de loi a pour but de reprendre (partiellement) les propositions faites par les citoyens composant cette convention. Rappelons qu’à la création de la Convention Citoyenne pour le Climat, Emmanuel Macron s’était engagé à reprendre intégralement et sans modification les 150 propositions qui émaneraient des débats et échanges entre les citoyens. Après un changement de stratégie, le texte traduira dans le langage législatif seulement une grosse moitié des 150 propositions initiales pour tenter de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, l’objectif affiché étant la réduction de 40% d’ici 2030 (alors que l’Union Européenne vise les 60% de baisse dans le cadre du Green Deal).

Quelques annonces ont déjà été faites pour desservir la stratégie de communication du gouvernement : fin de location des logements considérés comme des passoires thermiques d’ici 2028 ; attribution d’un CO2-score aux produits et services ; interdiction des vols domestiques si une alternative ferroviaire existe en moins de 2h30 ; fin de la publicité des énergies fossiles etc.

Ce projet loi épineux, considéré comme un des plus importants du quinquennat d’Emmanuel Macron, attise déjà les critiques : associations, députés, personnalités politiques… Le Premier ministre Jean Castex avait même saisi le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) pour y faire analyser le projet de loi. Ce dernier a jugé le projet de loi insuffisant, mais reconnaît des mesures pertinentes : « Les nombreuses mesures du projet de loi, considérées une par une, sont en général pertinentes mais souvent limitées, souvent différées, souvent soumises à des conditions telles qu’on doute de les voir mises en œuvre à terme rapproché » .

Sur son territoire ou à l’échelle européenne, le gouvernement français doit convaincre de sa motivation et de sa capacité à respecter ses engagements dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’Europe tient son projet de loi climat ambitieux incarné par le Green Deal, la France doit trouver le sien.

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Diplômé d’un master en archivistique à 23 ans, Victor est archiviste itinérant en Bretagne. En parallèle, il occupe son temps avec du sport, de la lecture, mais rédige également quelques articles pour Causons d’Europe depuis les quasi-débuts. Son intérêt pour l’écologie et la cause animale vont généralement de pair avec les sujets traités dans ses articles.