La CEDH pointe des atteintes aux droits de l’Homme lors de manifestations en Ukraine entre 2013 et 20144 minutes de lecture

La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) vient de rendre une série de cinq arrêts relatifs à des plaintes liées à des atteintes aux droits de l’Homme subies par des manifestants s’étant rendus sur la place Maïdan, à Kiev, la capitale ukrainienne, lors des événements de 2013 et 2014. Ces décisions de la Cour, prises huit ans après les faits, risquent de ne pas avoir d’impact significatif sur les victimes. Explications.

Fonctionnement de la Cour européenne des droits de l’Homme

La CEDH n’est pas une institution de l’Union européenne. Elle siège à Strasbourg et dépend du Conseil de l’Europe, un organe européen chargé de surveiller le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales par les 47 Etats qui le composent. Ces Etats doivent respecter la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

La Cour est une juridiction et en ce sens, elle rend des arrêts (des décisions de justice). Comme le rappelle Vie publique, site officiel des pouvoirs publics français, « la CEDH déclare s’il y a eu une violation des droits protégés par la Convention européenne des droits de l’homme, sans pouvoir par elle-même y mettre fin. On dit que ses arrêts ont un caractère déclaratoire, et qu’ils ne possèdent pas la force exécutoire ». Ainsi, les décisions prises par la Cour ne peuvent changer le cours des événements pour lesquels elle est saisie. Les arrêts sont en quelque sorte des avertissements qui invitent les Etats membres à agir autrement pour éviter d’enfreindre la Convention, qu’ils sont censés respecter. La Cour est très régulièrement saisie pour des requêtes de toute nature. Par exemple, la France, qui a ratifié la Convention en 1974, s’est vue concernée par 597 requêtes en 2019, 19 ayant été examinées ou jugées recevables par la Cour.

Le point sur les événements de 2013 et 2014 en Ukraine et sur la place Maïdan

La Russie et l’Ukraine entretiennent des liens historiques forts. L’Ukraine, parfois désignée comme la « petite Russie », acquiert son indépendance de l’URSS en 1991, suite à l’effondrement de cette dernière. Une région en particulier cristallise les attentions, à savoir la Crimée, région ukrainienne située au Sud du pays en bord de Mer Noire, à fort pourcentage de russophones. Or, depuis la fin 2013, le pays est secoué par d’importantes manifestations qui se déroulent à Kiev, la capitale de l’Ukraine. En cause, le choix fait par le président Viktor Ianoukovitch de laisser tomber un accord avec l’Union européenne au profit d’un accord avec la Russie voisine. Kiev reste agité, l’Est de l’Ukraine (notamment le Donbass), proche de la Russie, sombre dans un conflit qui n’est pas encore éteint et la Crimée est annexée sans difficultés majeures par Moscou.

Sur la place Maïdan, les manifestantes et manifestants protestent contre le revirement du président Ianoukovitch, bientôt déchu et en fuite. Les manifestations ont d’ailleurs pris le nom d’EuroMaïdan, en référence à la volonté de se rapprocher de l’Union. D’après les éléments de la CEDH, entre 100 000 et 800 000 personnes se sont rassemblées au fil des jours sur cette place. De violents affrontements se sont déroulés entre elles et les forces de police officielles et non-officielles. Ces dernières auraient pratiqué agressions, enlèvements, voire meurtres de manifestants. Au total, on dénombre plus de 100 morts et plusieurs milliers de blessés  au cours des événements.

Le contenu et la portée des arrêts de la CEDH

La Cour a rendu des arrêts sur cinq affaires concernant 38 individus présents ou impliqués dans les manifestations de la place Maïdan. La Cour a établi des violations des articles de la Convention suivants :

  • Article 2 : droit à la vie
  • Article 3 : interdiction de la torture, des traitements inhumains ou dégradants
  • Article 5 : droit à la liberté et à la sûreté
  • Article 8 : droit au respect de la vie privée et familiale

Par exemple, dans le cas de l’affaire Schmorgunov et autres, « plusieurs des requérants furent battus, […] Un autre (M. Cherevko) aurait été emmené dans une cour et battu pendant plusieurs heures ». Dans l’affaire Lutsenko et Verbytskyy, « Ils furent conduits dans une zone éloignée, ligotés et gravement maltraités. M. Lutsenko fut abandonné à environ 50 km de Kiev par un temps glacial. Le corps du frère de M. Verbytskyy fut retrouvé dans une forêt non loin de Kiev. Il avait été frappé à l’aide d’un objet contondant à 30 reprises au moins et était mort d’hypothermie ».

La Cour, qui a rappelé les droits fondamentaux violés lors de ces manifestations, a fini par conclure que les autorités ukrainiennes avaient agit stratégiquement. Les faits qui leur sont reprochés ne sont donc pas liés à des débordements excessifs, mais résultent d’une organisation de la répression. Notons pour finir que ces arrêts ne sont pas définitifs et peuvent encore être examinés par la Grande Chambre de la CEDH, si l’une des parties demande un renvoi. Mais comme nous l’avions expliqué plus haut, ces arrêts sont uniquement déclaratoires. Vont-ils permettre de prévenir d’autres violences du même genre ? Rien n’est moins sûr.

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Âgé de 23 ans, Léo est l’un des trois fondateurs de Causons d’Europe. Ayant obtenu une licence d’Histoire et un master de Relations Internationales, il est actuellement en service civique chez Radio Campus Angers. Son dada ? Causer d’Europe avec celles et ceux qui ne disposent pas de beaucoup d’informations à ce sujet, voire n’en disposent pas ! Passionné par la politique, le sport, l’Europe et le monde, les mouvements sociaux, la presse indépendante … Il répond toujours présent pour exprimer son avis, de préférence à l’encontre des discours consensuels, et il se rapproche des lectrices et lecteurs pour s’assurer de sensibiliser le public le plus large possible.