Une rentrée de la Toussaint sous tension en France5 minutes de lecture
12 millions d’élèves ont fait leur rentrée hier dans les écoles, collèges et lycées de France. Dans le contexte sanitaire actuel de ce début de deuxième confinement, le gouvernement a fait le choix de maintenir ouverts les établissements de l’enseignement primaire et secondaire, là où les étudiants du supérieur sont passés aux cours à distance. Une décision semblable à celle de la plupart des pays européens qui ont décidé de conserver les établissements scolaires ouverts malgré cette deuxième vague de Covid19. Mais depuis hier, la contestation des enseignants d’abord, puis celle des élèves, aujourd’hui, se fait entendre. Retour sur une rentrée de la Toussaint mouvementée.
Les raisons de la colère
Dans son discours du mercredi 28 octobre annonçant la mise en place d’un nouveau confinement, bien qu’allégé par rapport à celui mis en place aux mois de mars et d’avril derniers, Emmanuel Macron avait prévenu que les écoles, collèges et lycées resteraient ouverts en France en dépit de l’aggravation de la situation sanitaire. Malgré tout un nouveau protocole sanitaire devait être précisé ultérieurement et mis en œuvre afin d’assurer la poursuite des cours dans des conditions optimales.
Ce protocole sanitaire renforcé a finalement été publié le lendemain au soir par le ministère de l’Éducation nationale, provoquant la réaction immédiate des syndicats enseignants. En effet, ce nouveau protocole prévoyait comme mesures principales le port du masque par les élèves dès l’âge de 6 ans (contre 11 auparavant), un retour de la distanciation sociale en milieu scolaire « lorsqu’elle est matériellement possible » et une réorganisation des cours afin de limiter le brassage des élèves au sein des établissements scolaires.
Autant de mesures qui semblent relativement limitées, aussitôt dénoncées par les syndicats, comme le SNES-FSU qui est le principal syndicat des enseignants du secondaire en France. Alors que la principale revendication des syndicats d’enseignants était la mise en place de demi-groupes, c’est-à-dire des moitiés de classe présentes en établissement une semaine sur deux pour limiter drastiquement le brassage des élèves et permettre le respect de la distanciation sociale, cette proposition n’a pas été retenue par le gouvernement.
Cette mesure était pourtant mise en avant par Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation Nationale, au cours d’une interview à Konbini News le 05 juin dernier, affirmant que « si le virus est toujours là à la rentrée, il y aura toujours la règle des groupes restreints ». Première raison de la colère des enseignants donc, un nouveau protocole sanitaire jugé insuffisant, quasiment inchangé par rapport au précédent et en contradiction avec les précédents propos du ministre de l’Éducation lui-même.
Autre élément de communication contradictoire reproché par les enseignants à leur ministre : l’hommage à Samuel Paty, ce professeur d’Histoire-Géographie assassiné à Conflans-Sainte-Honorine, en région parisienne, à la mi-octobre. Alors qu’initialement l’hommage devait être précédé de deux heures d’échanges entre enseignants et personnels des établissements scolaires, puis une heure d’échanges entre les enseignants et leurs élèves, le programme en a brutalement été modifié vendredi soir, à peine un peu plus de deux jours avant la rentrée scolaire. Ces temps de réflexion, d’échange et de recueillement collectifs ont été simplement passés à la trappe, seule la minute de silence, à 11h, et, avant celle-ci, la lecture de la lettre aux instituteurs de Jean Jaurès, ont été maintenues. De quoi, là encore, provoquer la colère des enseignants, estimant que l’hommage à Samuel Paty a été brutalement amputé, le SNES-FSU qualifiant de « décision indigne » cette réorganisation.
Ces deux raisons ont concouru à l’appel à la grève lancé dès vendredi et au cours du week-end par les syndicats d’enseignants, le SNES-FSU, syndicat majoritaire, en tête, mais soutenu par une large intersyndicale.
L’hommage à Samuel Paty a bien eu lieu hier, dans des conditions très différentes selon les établissements, avec des modalités de préparation qui allaient de la première organisation annoncée par le ministère avec une rentrée des élèves à 10h, à la seule minute de silence de 11h. Dans certains établissements aussi, de nombreux enseignants ont rejoint la grève suite au refus de leurs directions de maintenir la première organisation de l’hommage, lorsqu’ils ne l’ont pas fait afin de dénoncer les conditions sanitaires. Mais il est difficile d’estimer l’impact ou le taux de participation à la grève en-dehors de chiffres locaux.
Depuis la rentrée d’hier aussi se multiplient les images de couloirs, cantines ou files d’attente bondés dans les établissements scolaires, publiés par les professeurs et les élèves sur Twitter autour du #BalanceTonProtocole. Ce matin ce sont plusieurs lycées, en région parisienne particulièrement, qui ont été bloqués par des élèves pour protester contre la situation sanitaire dans les établissements. Les forces de l’ordre sont intervenus au cours de la matinée pour mettre fin aux blocages, parfois violemment comme cela a été le cas au lycée Colbert à Paris.
Reste à savoir si la double contestation de ce protocole sanitaire, jugé insuffisant, amènera le ministère de l’Éducation nationale à reconsidérer la question. Rien n’est moins sûr, alors que Jean-Michel Blanquer déclarait hier matin sur France Inter « que des critiques se cristallisent sur moi, c’est mon métier » en défendant sa gestion de la crise sanitaire.
Et ailleurs en Europe ?
Ailleurs en Europe, comme en France, c’est plutôt le maintien des établissements scolaires ouverts qui prévaut, à l’exception de certaines régions les plus touchées par le virus en Italie par exemple. En Pologne et en Autriche si le primaire reste ouvert, l’enseignement secondaire est passé au distanciel, tout comme le supérieur. La République tchèque est, pour l’heure, le seul pays européen à avoir fermé presque tous ses établissements scolaires, à l’exception des écoles maternelles.
La Rédaction