Opérations EncroChat et Sky ECC : quand la police se transforme en hackeuse4 minutes de lecture
La criminalité organisée risque d’être de plus en plus prudente concernant ses communications futures. La raison ? Des opérations menées à l’échelle européenne et notamment, par Europol.
Depuis quelques années, les polices européennes projettent de s’infiltrer au cœur des correspondances cryptées de la grande criminalité, afin de les identifier. C’est d’ailleurs ce qu’elles ont fait. D’abord, avec l’opération EncroChat, puis avec Sky ECC. Ces deux opérations ont permis, entre autres, d’interpeller de nombreux criminels et personnes en lien avec la criminalité organisée. Mais également, de déjouer plus de 200 projets d’assassinats. Revenons ensemble sur le déroulement de ces opérations européennes.
EncroChat, une coopération de piratage européenne
EncroChat est une entreprise de service de télécommunication néerlandaise. Elle offre une sécurité à ses usagers en mettant à leur disposition une messagerie cryptée, ainsi qu’un retrait des micros, des caméras, des GPS, des cartes SIM liées aux comptes des clients… En 2020, 50 000 téléphones de ce type étaient en circulation.
Tout a commencé en 2017, lorsque la gendarmerie française a mis la main sur certains de ces téléphones lors d’une enquête pour trafic de stupéfiants. En 2019, la France saisissait Eurojust, épaulée par Europol. En effet, l’opération EncroChat découle d’une coopération entre la France, les Pays-Bas et l’Angleterre pour faire tomber la criminalité européenne. Un dispositif pour intercepter les communications a permis aux cyber-gendarmes européens d’activer les micros des smartphones des membres de la grande criminalité. Les policiers européens se sont ainsi informés des rendez-vous de ces trafiquants et notamment de leurs livraisons de stupéfiants.
Tout cela a entraîné un démantèlement d’EncroChat, le 13 juin 2020. Ce jour là, les détenteurs de ces téléphones ont appris cette infiltration gouvernementale. Il s’agissait alors d’abandonner ces appareils le plus rapidement possible.
Cependant, la police européenne avait, à ce moment-là, déjà eu accès aux messageries des utilisateurs d’EncroChat. Déclenchant ainsi l’ouverture de nombreuses enquêtes.
Avec la mise en place de cette opération, 120 millions de messages ont été interceptés. Puis 200 projets d’assassinats déjoués, 1 000 individus arrêtés, des tonnes de stupéfiants saisies (10 tonnes de cocaïne, 1,2 tonnes de méthamphétamine, des centaines de kilos de cannabis) tout comme des armes à feu, des explosifs…Après une telle prouesse, les enquêteurs d’Europol ne se sont pas arrêtés là. Ils ont effectivement renouvelé l’opération, en s’attaquant cette fois-ci à Sky ECC.
Sky ECC, petite sœur belge d’EncroChat
Après le démantèlement d’EncroChat, une seconde opération a vu le jour le 9 mars dernier. Elle rassemblait la police belge, épaulée par les autorités françaises, néerlandaises, Europol et Eurojust.
Tout comme EncroChat, cette nouvelle opération est un piratage, par Europol, des téléphones appartenant aux utilisateurs de Sky ECC. Les policiers ont intercepté de nouveaux messages criminels, en surveillant notamment les nouveaux usagers de l’application. En effet, une partie de la criminalité utilisatrice d’EncroChat utilisait Sky ECC pour poursuivre ses projets illicites. Ainsi d’après Europol, 70 000 perquisitions ont eu lieu depuis leur intervention.
Cette opération a pris une grande ampleur en quelques semaines puisqu’elle a, entre autres, déjà permis de contrecarrer de nouveaux projets d’assassinats par des tueurs à gage professionnels. Le 11 mars dernier, 17 suspects ont été interpellés.
D’après le directeur-adjoint des opérations d’Europol, Sky ECC a également permis de mettre à jour certaines fuites policières et les possibles corruptions dans les trafics européens.
A la différence d’EncroChat, l’opération Sky ECC a eu un plus grand impact à l’international, poussant même la plus grande puissance mondiale à agir. Les États-Unis ont d’ailleurs lancé plusieurs mandats d’arrêt contre les dirigeants de Sky ECC. En France, le parquet de Paris a précisé qu’une information judiciaire a été ouverte en décembre 2020.
Jamais deux sans trois ?
Une troisième opération d’Europol serait-elle aussi fructueuse ? On peut, en effet, s’interroger pour savoir si ce procédé de piratage utilisé par les cyber-gendarmes d’Europol est encore viable à l’heure actuelle.
La coopération entre les états a eu pour effet un grand démantèlement de la criminalité organisée sur le sol européen. Il est donc légitime de se demander si cette dernière continuera à faire confiance à la cryptocommunication ou si elle optera pour de nouveaux moyens lui permettant de contourner les opérations d’Europol.
D’autres cryptophones sont entrés dans le viseur des polices européennes tel que Phantom Secure, mais l’on peut supposer que la grande criminalité deviendra plus prudente à l’avenir.
Elodie a 24 ans, et a obtenu une licence de Droit. Elle est la dernière rédactrice ayant rejoint Causons d’Europe, et est passionnée par la criminologie, les faits divers, la psychologie des criminels et tueurs en série : avis aux lectrices et lecteurs sensibles ! Elodie est également attachée aux causes féministe, animale et environnementale.